Pas augmenté depuis dix ans ? Nos conseils pour que ça change cette année

Sylvie Laidet-Ratier

2022 sera-t-elle enfin l'année de l'augmentation ? Ça fait une décennie qu’elle vous passe sous le nez. Mais l’avez-vous au moins demandée ? Cette année, c’est décidé, vous allez oser. Les conseils de pros pour négocier et obtenir ce que vous valez.
Pas augmenté depuis dix ans ? Nos conseils pour que ça change cette année

Ils vous conseillent

  • Insaff El Hassini, coach en négociation de rémunération et créatrice du podcast Ma Juste Valeur
  • André Sobczak, créateur du programme #NégoTraining proposé par Audencia

 

Deux hypothèses possibles :

 

1️⃣ Vous êtes resté au même poste depuis dix ans

 

La situation : Vous avez pris votre job il y a dix ans, vous n’avez pas officiellement changé de poste et donc zéro augmentation.

 

L’heure est grave ! En fait, vous n’osez pas demander d’augmentation car vous anticipez un refus de votre manager au prétexte que vous occupez toujours le même poste. Erreur, grave erreur à rectifier en usant de ces arguments :

  • Augmentation du coût de la vie

Rien n’oblige votre employeur à réévaluer votre salaire annuellement au regard de l’inflation (sauf si vous êtes payé au Smic). Mais rien ne vous empêche de caculer le montant de la perte de salaire générée en 10 ans à cause de l’augmentation du coût de la vie et de le montrer à votre employeur.

  • Evolution invisible
Insaff El Hassini

Pas d’évolution de poste sur le papier mais en pratique en 10 ans, votre fonction a changé. « Arguez du fait qu’en 10 ans, vous avez gagné en compétences et en expérience. Que vos missions se sont étoffées. Par exemple que vous faites office de tuteur pour les nouvelles recrues, que c’est vous qui assurez la transmission et le décryptage des coutumes de la boite. Que c’est encore à vous que l’on confie les dossiers les plus complexes car justement vous êtes sénior sur votre poste », illustre Insaff El Hassini, coach en négociation de rémunération, experte en égalité salariale.

 

  • Création de valeur future

Lister les prochains projets sur les dix prochaines ans, histoire de bien enfoncer le clou. « Après avoir chiffré votre contribution à l’entreprise depuis 10 ans, demander clairement à son manager s’il souhaite ou pas que vous continuiez à contribuer et à créer de la valeur pour l’entreprise », insiste André Sobczak, créateur du programme #NégoTraining proposé par Audencia.

 

  • Valeur sur le marché

C’est simple, dans un moteur de recherche, tapez l’intitulé de votre fonction + 10 ans d’expérience. Il y a 10 ans, vous avez été embauché à 38 K€, aujourd’hui le marché vous offre 55 K€, so what. Que propose votre manager ?

 

💡 Quelle issue possible ?

« Si votre manager est intelligent et bienveillant, il va réajuster votre salaire. Sinon, vous allez devoir sortir de votre zone de confort et postuler ailleurs », prévient Insaff El Hassini, également créatrice du podcast Ma Juste Valeur. Il ne vous aura pas échappé que le marché de l’emploi cadres est plus que porteur. On parle même de plein emploi (taux de chômage des cadres autour de 3,7%), donc une mobilité externe peut être payante.

2️⃣ Si vous avez changé de poste durant les dix dernières années

 

La situation : Vous avez pris votre job il y a dix ans, vous avez officiellement été promu mais toujours sans la moindre augmentation.

 

Dans ce cas de figure-là, il y a également urgence à demander une sérieuse augmentation car visiblement, elle ne tombera pas du ciel. « Pour beaucoup de salariés, avoir obtenu davantage de responsabilités est déjà une énorme marque de reconnaissance. Ils se sentent donc coupable de demander la moindre augmentation. », constate Insaff El Hassini. Là encore, ce n’est pas loyal de la part de l’employeur de surfer sur cette culpabilité. C’est même carrément un manque de respect. Donc, on se bouge.

  • Faire son ratio contribution / rétribution
André Sobczak,

« Une feuille, deux colonnes. A gauche, établissez la liste de vos tâches actuelles et à droite votre salaire du moment. En un clin d’œil, vous verrez que cela n’est pas cohérent. Montrez ce document à votre manager », recommande notre experte, en insistant sur la cohérence de la grille salariale interne. « Les femmes tout particulièrement doivent apprendre à se mettre en avant et pas uniquement parler du collectif », précise André Sobczak, co-titulaire de la chaire Impact positif au sein d’Audencia.

  • Se benchmarker sur le marché : même principe que pour le premier profil.

💡 Quelles issues possibles ?

  • Votre manager ou les RH sont intelligents et assurent le rattrapage salarial.
  • Ils ne veulent rien entendre car c’est la crise (on connait la chanson). Si vous êtes prêt à bouger, partez en quête d’un nouveau job, mais ailleurs.
  • Ils ne veulent rien entendre mais cette boîte, vous la trouvez quand même chouette, votre boulot est intéressant, elle est à proximité de chez vous, vous ne pouvez pas prendre le risque de changer car il y a un crédit à rembourser, des études supérieures à payer, etc. Bref, quelles que soient vos motivations, vous souhaitez y rester. « Dans ce cas, prenez acte de l’impossibilité d’être augmenté et négociez d’autres avantages. Un passage à 4/5e sans perte de salaire, une formation top niveau, une place en crèche gratuite (on l’estime à 1000 euros par mois), une voiture de fonction… », liste Insaff El Hassini. Vous pouvez également dealer une prime ou un variable exceptionnel, moins engageant sur le long terme pour l’entreprise.  

Témoignage de Cécile, 45 ans, responsable juridique

Tous les ans depuis plus d’une décennie, cette responsable juridique voit passer les augmentations des autres sur son bureau… mais jamais rien pour elle.

« Bêtement, je croyais que la qualité de mon travail suffirait à déclencher une augmentation. Or, ça ne marche pas comme ça, je suis trop naïve », consent-elle. Cette année, elle a donc préparé une demande d’augmentation béton. Comment ? En sondant l’une de ses homologues en interne et en découvrant un gap salarial énorme entre elles. En scrutant les études de rémunération des cabinets de recrutement pour son niveau de séniorité. Et bien sûr, en listant précisément ce qu’elle réalise en plus de sa mission initiale. «Depuis mon arrivée dans la boite par exemple, on ne fait quasiment plus appel à des avocats. En traitant moi-même les dossiers, je génère de vraies économies », illustre-t-elle. Convaincue de sa plus-value, elle a demandé 17% d’augmentation. « J’ai obtenu +12%. Cela me satisfait car mon job est proche de chez moi et cela participe aussi à mon équilibre. En dessous, de 10%, j’aurais cherché un nouveau poste ailleurs. Mais avec au moins trois jours de télétravail », conclut-elle.

Témoignage de Claire*, 30 ans, directrice d’atelier adjointe

Depuis 10 ans, date de son arrivée dans ce groupe de luxe, la mission de Claire n’a cessé d’évoluer pour au final devenir en off, le bras droit du directeur d’atelier. « Au point de mener avec lui les discussions sur les augmentations des autres membres de l’équipe », raconte-t-elle. En mettant en avant sa technicité et l’élargissement de son périmètre d’intervention, Claire a fini par obtenir le titre de directrice d’atelier adjointe, la revalorisation de son échelon et 20% d’augmentation. « C’est toujours en dessous de ma valeur sur le marché mais je ne souhaitais pas quitter le groupe. J’ai en plus décroché une prime annuelle exceptionnelle. Et à horizon 2-4 ans, je serai nommée directrice d’atelier ailleurs en France », sourit celle qui était pourtant convaincue que son manager lui refuserait tout en bloc.

 

*Le prénom a été modifié.

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

Vous aimerez aussi :