L'employeur doit-il verser une indemnité pour le télétravail ?

Mathilde Hardy

Le télétravail imposé par l’épidémie de Coronavirus va perdurer pendant de nombreux mois. Si le contexte actuel a popularisé le télétravail, il a également supprimé l'obligation pour l'employeur de prendre en charge tous les coûts découlant directement de son exercice. Le Covid-19 a-t-il modifié les règles en la matière ? Abonnement internet, forfait téléphonique, achat de fournitures de bureau… Qui, de l’employeur ou du salarié, doit prendre en charge les coûts liés au télétravail ? L'employeur est-il tenu au versement d'une indemnité pour le télétravail ? Réponses dans cet article.
L'employeur doit-il verser une indemnité pour le télétravail ?

Indemnité de télétravail, quelles sont les règles en 2021 ?

Que le télétravail soit obligatoire ou non, il entraîne des frais : abonnement internet, forfait téléphonique, achat de fournitures de bureau, électricité, chauffage... Depuis l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le Code du travail ne prévoit plus d’obligation pour l'employeur de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l'exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, communications et outils ainsi que la maintenance de ceux-ci.

L'employeur n'a donc aucune contrainte de versement d'une indemnité de télétravail, y compris pendant l'épidémie de Coronavirus et le reconfinement. Cette règle est précisé très clairement sur le site du ministère du Travail.

À la question "Mon employeur doit-il m’indemniser ?", la réponse apportée ne laisse aucun doute. "NON. L’employeur n’est pas tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail destinée à lui rembourser les frais découlant du télétravail, sauf si l’entreprise est dotée d’un accord ou d’une charte qui la prévoit. Les droits habituels en matière de restauration sont maintenus (titres restaurant, primes de repas, etc.)".

Cette modification législative ne signifie pas pour autant que l'employeur est dispensé de toute obligation en la matière. Les frais professionnels, l’occupation du domicile du salarié, les frais de transports et de repas restent toujours à sa charge.

Le remboursement par l’employeur des frais professionnels

Que sont les frais professionnels liés au télétravail ?

Les frais professionnels correspondent aux frais directement engagés par le salarié pour l’exécution de ses tâches, même en télétravail. Il peut s’agir d’un abonnement internet, d'un forfait téléphonique ou de l'achat de fournitures de bureau.

La prise en charge par l'employeur des coûts liés à l'exercice des fonctions est une obligation générale dont il ne peut s'exonérer. Si ce principe ne figure plus explicitement dans le Code du travail, il n’en demeure pas moins.

Il a par ailleurs été confirmé par la Cour de cassation : « les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier ; que la clause du contrat de travail qui met à la charge du salarié les frais engagés pour les besoins de son activité professionnelle est réputée non écrite » (Cass, soc., 19 sept. 2013, n° 12-15.137).

Deux options sont alors possibles :

  • Un accord collectif met en place le télétravail dans l’entreprise : il doit comporter les modalités de prise en charge de ces coûts découlant directement de l'exercice régulier du télétravail exercé à la demande de l'employeur.
  • Une charte élaborée par l’employeur après avis du CSE met en place le télétravail dans l’entreprise : les employeurs sont placés dans le champ de l'ANI du 19 juillet 2005. « Sous réserve, lorsque le télétravail s'exerce à domicile, de la conformité des installations électriques et des lieux de travail, l'employeur fournit, installe et entretient les équipements nécessaires au travail, Si, exceptionnellement, le télétravailleur utilise son propre équipement, l'employeur en assure l'adaptation et l'entretien. L’employeur prend également en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par ce travail, en particulier ceux liés aux communications. L’employeur fournit au télétravailleur un service approprié d'appui technique. L’employeur assume la responsabilité, conformément aux dispositions en vigueur, des coûts liés à la perte ou à la détérioration des équipements et des données utilisées par le télétravailleur » (ANI, art. 7).

Renseignez-vous auprès de votre service RH pour connaître les mesures mises en place dans votre entreprise.

Les modalités de prise en charge des frais professionnels

Si le salarié en télétravail avance des frais professionnels, il doit être remboursé par l’employeur.

Le dédommagement des frais professionnels de télétravail peut se faire de deux manières différentes :

  • par le versement d’une allocation forfaitaire couvrant l’intégralité des frais de télétravail ;
  • par le remboursement sur facture.

Les frais professionnels liés au télétravail sont-ils soumis à cotisations sociales pour les entreprises ?

Les frais professionnels sont exclus de la base de calcul des cotisations de Sécurité sociale. Ils sont aussi exclus de la base CSG-CRDS.

Selon l’Urssaf, « l’allocation forfaitaire versée par l’employeur sera réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite globale de 10 € par mois, pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine. (Cette allocation forfaitaire passe à 20 € par mois pour un salarié effectuant deux jours de télétravail par semaine, 30 € par mois pour trois jours par semaine…). Lorsque le montant versé par l’employeur dépasse ces limites, l’exonération de charges sociales pourra être admise à condition de justifier de la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié ».

Les frais générés par le télétravail sont réputés être des dépenses inhérentes à l'emploi, qui peuvent être exclues de l'assiette des cotisations sous réserve de justificatifs des dépenses réelles.

Télétravail et frais d’occupation à la charge de l’employeur

L’indemnité d’occupation est destinée à compenser l’utilisation du domicile privé à des fins professionnelles. Elle n’est due au télétravailleur que si l’employeur n’a pas de local professionnel à lui proposer pour exercer son activité avec tous les moyens nécessaires pour travailler (mobilier, espace de rangement, connexion Internet, ligne téléphonique…) (Cass. soc., 7 avr. 2010, n° 08-44865).

A contrario, lorsque l’employeur propose un bureau à son salarié, et que ce dernier préfère télétravailler à son domicile, il ne peut pas réclamer de frais d’occupation (Cass. soc., 4 déc. 2013, n° 12-19667).

Bon à savoir : pendant l’épidémie de Coronavirus, et donc de télétravail obligatoire, l’indemnité d’occupation n’est pas due si, « en temps normal », l’employeur met à disposition du salarié un local professionnel.

Les frais de transport sont-ils remboursés en cas de télétravail ?

« Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise » nous précise l’article L1222-9 du Code du travail. En conséquence, tout employeur a l’obligation de prendre à sa charge 50 % du coût total des titres de transport de ses salariés, même lorsque le salarié est placé en télétravail (article R3261-1 du Code du travail).

Bon à savoir : pour lutter contre la propagation du Covid-19, les entreprises ont dû imposer à leurs salariés le télétravail sur l'ensemble des jours de la semaine. L’employeur doit-il maintenir le remboursement des frais de transport lorsque le salarié confiné ne les utilise plus ? Une telle situation n'est pas prévue par les textes. Le cas par cas semble s’imposer. Pour les salariés qui ont un abonnement annuel, le remboursement à 50 % est automatiquement effectué. Donc, pas de problème pour les personnes concernées. Les salariés lésés devraient être les titulaires d'abonnements mensuels.

Frais de repas et frais de télétravail

Coronavirus ou non, la loi n'a pas changé sur ce point : même confiné, un salarié qui travaille en remote doit conserver les mêmes droits que s'il exerçait au sein de son entreprise (cf. l’article L1222-9 du Code du travail).

Si ce salarié bénéficiait de ticket-restaurant avant la période de confinement, il conserve ce droit, quel que soit le lieu où il se trouve.

Bon à savoir : dans le contexte de l'épidémie de coronavirus, le télétravail est fortement conseillé. C'est pourquoi, un nouveau décret est paru permettant de prolonger la durée de validité des tickets-restaurant de l'année 2020 pour une période de six mois. Si auparavant ils pouvaient ainsi être utilisés jusqu'en février 2021, il est maintenant possible de s'en servir jusqu'au 31 août 2021.

Indemnité de télétravail dans la fonction publique

Les conditions de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique sont définies par :

  • arrêté ministériel dans la fonction publique de l’État ;
  • délibération dans la fonction publique territoriale ;
  • décision du directeur d'établissement dans la fonction publique hospitalière.

Ces documents doivent notamment fixer les conditions de prise en charge, par l'Administration, des coûts découlant du télétravail : matériels, logiciels, abonnements, communications, maintenance…

Tout comme le salarié télétravailleur, l'agent exerçant ses fonctions en télétravail bénéficie des mêmes droits et obligations que l'agent exerçant dans les locaux de l'Administration. En revanche, il ne bénéficie d'aucune prise en charge en matière de restauration. Ses frais de repas, le ou les jours de télétravail, sont à sa charge.

Le Coronavirus rend exceptionnellement le télétravail obligatoire, même pour les fonctionnaires. Il constitue la modalité d’organisation du travail de droit commun dans la fonction publique, à chaque fois que c'est matériellement envisageable. L’agent utilise le matériel attribué par son employeur, ou le cas échéant son matériel personnel.

  • lorsque le télétravail est impossible, l’agent est placé en autorisation spéciale d’absence (ASA), sans délai de carence ;
  • lorsque les agents participent aux plans de continuité de l’activité (PCA) en présentiel, ils doivent se rendre sur leur lieu de travail.

Le décret n° 2020-524 du 5 mai 2020 met en œuvre la disposition législative permettant le recours ponctuel au télétravail dans la fonction publique et apporte quelques précisions relatifs aux frais de télétravail : « L’employeur n’est pas tenu de prendre en charge le coût de la location d’un espace destiné au télétravail ».

Mathilde Hardy
Mathilde Hardy

Je suis rédactrice web SEO et fondatrice de l’agence Les Nouveaux Mots. J'ai à cœur de rédiger des articles fiables et complets sur les sujets emploi, éducation, immobilier, argent et droit, notamment à destination des lecteurs de Cadremploi, grâce à mon expertise de 10 ans sur ces sujets.

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