Chômage partiel et personne vulnérable

Josée Pluchet

Dans le cadre de la crise sanitaire liée à la Covid-19, le Gouvernement a aménagé le dispositif du chômage partiel afin de soutenir à la fois les entreprises et les salariés. En parallèle, il a ouvert ce dispositif aux salariés considérés comme vulnérables. Initialement prévu pour prendre fin le 31 décembre 2020, il a été prolongé jusqu'au 30 juin 2021. Sauf, pour les indemnités de chômage partiel dont la baisse débutera le 1er février 2021. Qu’en est-il plus spécifiquement de la situation des salariés vulnérables ? Peuvent-ils toujours bénéficier de ce mécanisme protecteur ? Jusqu’à quand ? Cadremploi fait le point sur le chômage partiel des personnes vulnérables dans cet article.
Chômage partiel et personne vulnérable

Qui sont les salariés vulnérables pouvant être placés en chômage partiel ?

Cette liste est importante car elle conditionne l’accès au dispositif de chômage partiel.

Les critères de vulnérabilité applicables depuis le 12 novembre 2020

Dans le décret n° 2020-1365 du 10 novembre 2020 paru mercredi 11 novembre 2020, en vigueur depuis jeudi 12 novembre 2020, le Gouvernement a étoffé la liste des personnes vulnérables qui peuvent solliciter un certificat d'isolement et bénéficier du chômage partiel. Pour bénéficier de ce dispositif, il faut désormais être dans l’une des situations suivantes :

  • avoir 65 ans ou plus ;
  • être au troisième trimestre de grossesse ;
  • avoir des antécédents cardio-vasculaires ;
  • avoir un diabète non équilibré ;
  • présenter une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d'une infection virale (broncho-pneumopathie obstructive, asthme sévère, fibrose pulmonaire, syndrome d'apnées du sommeil, mucoviscidose notamment) ;
  • présenter une insuffisance rénale chronique dialysée ;
  • être atteint de cancer évolutif sous traitement ;
  • présenter une obésité ;
  • être atteint d'une immunodépression congénitale ou acquise ;
  • être atteint de cirrhose au stade B du score de Child Pugh au moins ;
  • présenter un syndrome drépanocytaire majeur ou ayant un antécédent de splénectomie ;
  • être atteint d'une maladie du motoneurone, d'une myasthénie grave, de sclérose en plaques, de la maladie de Parkinson, de paralysie cérébrale, de quadriplégie ou hémiplégie, d'une tumeur maligne primitive cérébrale, d'une maladie cérébelleuse progressive ou d'une maladie rare.

En revanche, les personnes partageant le même domicile qu'une personne vulnérable ne peuvent toujours plus bénéficier du régime de l'activité partielle.

La liste des personnes considérées comme vulnérables a fait l’objet d’évolutions depuis le 1er mai 2020... Pour vous y retrouver, on vous retrace l’histoire.

Les critères de vulnérabilité qui étaient applicables du 1er mai 2020 au 31 août 2020

Le décret n° 2020-521 du 5 mai 2020, applicable au 1er mai 2020, a défini les critères permettant d’identifier les salariés vulnérables présentant un risque de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2 et pouvant être placé en activité partielle.

Ces critères sont définis en référence à ceux précisés par le Haut Conseil de la santé publique dans ses avis relatifs à la prise en charge des personnes à risque de formes graves de covid-19.

La vulnérabilité doit répondre à l'un des critères suivants :

  • Être âgé de 65 ans et plus.
  • Avoir des antécédents (ATCD) cardiovasculaires : hypertension artérielle compliquée (avec complications cardiaques, rénales et vasculo-cérébrales), ATCD d'accident vasculaire cérébral ou de coronaropathie, de chirurgie cardiaque, insuffisance cardiaque stade NYHA III ou IV.
  • Avoir un diabète non équilibré ou présentant des complications.
  • Présenter une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d'une infection virale : (broncho pneumopathie obstructive, asthme sévère, fibrose pulmonaire, syndrome d'apnées du sommeil, mucoviscidose notamment).
  • Présenter une insuffisance rénale chronique dialysée.
  • Être atteint de cancer évolutif sous traitement (hors hormonothérapie).
  • Présenter une obésité (indice de masse corporelle (IMC) > 30 kgm2).
  • Être atteint d'une immunodépression congénitale ou acquise :

o   médicamenteuse : chimiothérapie anti cancéreuse, traitement immunosuppresseur, biothérapie et/ou corticothérapie à dose immunosuppressive ;

o   infection à VIH non contrôlée ou avec des CD4 < 200/mm3 ;

o   consécutive à une greffe d'organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques ;

o   liée à une hémopathie maligne en cours de traitement. 

  • Être atteint de cirrhose au stade B du score de Child Pugh au moins.
  • Présenter un syndrome drépanocytaire majeur ou ayant un antécédent de splénectomie.
  • Être au troisième trimestre de la grossesse.

Les critères de vulnérabilité qui étaient applicables du 1er septembre au 15 octobre 2020

Le décret n° 2020-1098 du 29 août 2020 a abrogé le décret du 5 mai 2020, et donc les critères de vulnérabilité applicables depuis le 1er mai. Il en a instauré d’autres, plus restrictifs.

Sont alors regardés comme vulnérables les patients répondant à l'un des 4 critères suivants :

  • Être atteint de cancer évolutif sous traitement (hors hormonothérapie).
  • Être atteint d'une immunodépression congénitale ou acquise :
    - médicamenteuse : chimiothérapie anticancéreuse, traitement immunosuppresseur, biothérapie et/ou corticothérapie à dose immunosuppressive ;
    - infection à VIH non contrôlée ou avec des CD4 < 200/mm3 ;
    - consécutive à une greffe d'organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques ;
    - liée à une hémopathie maligne en cours de traitement.
  • Être âgé de 65 ans ou plus et avoir un diabète associé à une obésité ou des complications micro ou macro vasculaires ;
  • Être dialysé ou présenter une insuffisance rénale chronique sévère.

L’ordonnance du Conseil d’État du 15 octobre 2020... et le retour à la définition initiale des personnes vulnérables

Suite à un recours formé contre le décret du 29 août 2020, le Conseil d’État a rendu une ordonnance le 15 octobre 2020.

La Haute juridiction a considéré que le Gouvernement, dans sa nouvelle définition de critères de vulnérabilité, et son choix de ne conserver que 4 critères, n’a pas présenté de justifications pertinentes.

Les dispositions du décret relatives aux nouveaux critères de vulnérabilité ont donc été suspendues.

Avec l'ordonnance, ce sont les 11 anciens critères issus du décret du 5 mai 2020 qui s’appliquaient à nouveau. C’est-à-dire qu'étaient considérées comme vulnérables, et pouvaient donc bénéficier du chômage partiel, les personnes visées par le décret du 5 mai 2020. 

Répondant à l'inquiétude d'associations de patients et de professionnels de santé, le Gouvernement avait promis de revoir sa copie. C'est aujourd'hui chose faite avec le décret du 10 novembre 2020.

Chômage partiel ou arrêt de travail pour les personnes vulnérables ?

Là encore, les règles ont évolué dans l’année. Si initialement les personnes vulnérables touchaient des IJ de l’Assurance maladie (par le mécanisme de l’arrêt de travail), elles bénéficient aujourd’hui des indemnités de chômage partiel, plus stables.

Depuis le début de la pandémie, les personnes à risque, aussi appelées personnes vulnérables, étaient placées sous le dispositif de l’arrêt de travail depuis le début de l’épidémie de Coronavirus. Mais il comportait un inconvénient majeur puisque les indemnités versées étaient dégressives (par exemple, 66 % du salaire après 30 jours d'arrêt, 50 % du salaire au bout de 60 jours d'arrêt pour les salariés justifiant d'une ancienneté inférieure à 5 ans).

Le 1er mai 2020, les règles ont évolué. Pour éviter une trop grande perte de salaire, le Gouvernement s’est tourné vers le chômage partiel, dont l’indemnité est stable, et en a fait bénéficier les salariés vulnérables

Chômage partiel et personne vulnérable : quelles démarches effectuer ?

Depuis le 1er mai 2020, pour toucher le chômage partiel, le salarié vulnérable devait adresser sans délai à son employeur un certificat d’isolement. Ce document était disponible directement en se connectant à son espace personnel sur le site de l’Assurance maladie ameli.fr.

Nouveauté depuis le 1er septembre, les personnes vulnérables doivent présenter un certificat d’isolement établi par un médecin « qui estime qu'ils présentent un risque de développer une forme grave d'infection au virus SARS-CoV-2 les plaçant dans l'impossibilité de continuer à travailler ». Le document est toujours à présenter sans délai à l’employeur.

L’employeur fait ensuite une déclaration d’activité partielle sur le site dédié du Gouvernement.

Dans ces conditions, pour le salarié à risque qui ne peut pas télétravailler ni bénéficier des mesures de protection renforcée fixées par le décret du 10 novembre 2020, le placement en activité partielle est de droit.

Bon à savoir : les personnes vulnérables ont droit à 50 masques gratuits pour 5 semaines (arrêté du 10 juillet 2020, modifié par arrêté du 3 octobre 2020)

Quel salaire pour les salariés vulnérables placés en chômage partiel ?

Le dispositif d'activité partielle mis en place depuis le début de l’épidémie de Coronavirus permet de verser un salaire stable aux personnes pouvant en bénéficier et d’aider financièrement les entreprises contraintes de fermer temporairement tout ou partie de leur activité ou de réduire le temps de travail des salariés en deçà de la durée légale de travail.

C’est à l’employeur de verser le salaire directement à son salarié vulnérable. Quel est le montant versé ? L'employeur verse à ses salariés placés en chômage partiel une indemnité d'activité partielle à hauteur de 70 % de leur rémunération antérieure brute (soit 84 % du salaire net du salarié), avec un plafond de 8,03 € (100 % du SMIC) et un plafond de 70 % de 4,5 SMIC, soit 31,97 €.

C'est ensuite l’État qui rembourse l'employeur en lui versant une allocation d'activité partielle. Ce remboursement est total pour les entreprises fermées administrativement et les entreprises des secteurs protégés. Les employeurs des autres secteurs supportent un reste à charge de 15 %.

À noter : il était prévu que le taux d’indemnisation baisse au 1er novembre 2020, mais le ministère du Travail a finalement décidé de maintenir ce taux d’indemnisation jusqu’au 30 janvier 2021 (Ordonnance présentée en Conseil des ministres le 21 décembre 2020). Il sera ensuite abaissé à 60 % au 1er février 2021.

Bon à savoir : le dispositif de chômage partiel classique cohabitera avec un autre dispositif d’activité partielle de longue durée (APLD), l’activité réduite pour le maintien en emploi.

Jusqu'à quand les personnes vulnérables peuvent-elles bénéficier du chômage partiel ?

Les conditions de l’activité partielle instaurées au printemps 2020 ont été prolongées jusqu’au 30 juin 2021 (sauf en ce qui concerne la baisse des indemnités du chômage partiel qui débutera le 1er février 2021).

Idem pour le certificat d’isolement délivré par l’Assurance maladie (avant le 1er septembre 2020) ou le médecin traitant. L'ordonnance présentée en Conseil des ministres le 21 décembre 2020 prévoit son application jusqu'au 30 juin 2021.

En conclusion, les personnes vulnérables possédant un certificat d'isolement peuvent être placées en chômage partiel jusqu'au 30 juin 2021.

Les salariés partageant le domicile d’une personne vulnérable ont-ils droit au chômage partiel ?

Depuis le 1er mai 2020, l’activité partielle était également de droit pour les salariés partageant le même domicile qu’une personne vulnérable (article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020).

Le décret du 29 août 2020 a supprimé le chômage partiel pour les personnes cohabitant avec des personnes vulnérables.

Bon à savoir : la décision du Conseil d’État du 15 octobre 2020 ne concerne que les critères de vulnérabilité et ne remet pas en cause la suppression de l’activité partielle pour les personnes cohabitant avec des personnes vulnérables.

Josée Pluchet
Josée Pluchet

Diplômée notaire, Josée Pluchet est passionnée de droit privé, du droit civil au droit du travail en passant par le droit de la construction ! Chargée de veille juridique pour plusieurs sociétés, elle suit avec intérêt et attention les évolutions législatives et jurisprudentielles. Rédactrice juridique, elle a à cœur de rendre le droit accessible aux non-juristes. Elle rédige pour Cadremploi des articles relatifs au droit du travail.

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