Covid-19 : quelle responsabilité pour l’employeur en cas de contamination au travail ?

Mathilde Hardy

Que se passe-t-il si un salarié est contaminé par la Covid-19 dans les locaux de l'entreprise ? D'autant plus si l'employeur n'a pas encouragé le télétravail lorsqu'il était possible. La responsabilité civile, mais également pénale de l’employeur est en jeu en cas de contamination d’un salarié par le Coronavirus. Dans quelles conditions ? L’employeur peut-il s’exonérer de sa responsabilité ? Cadremploi vous informe dans cet article.
Covid-19 : quelle responsabilité pour l’employeur en cas de contamination au travail ?

L’employeur est-il responsable de la santé et de la sécurité des salariés ?

L’employeur doit mettre en place des mesures garantissant la santé et la sécurité de ses salariés

Au sein de l’entreprise, l’employeur doit assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. C’est une obligation légale prévue à l’article L4121-1 du Code du travail : « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Concrètement, qu’est-ce que ça signifie ? L'employeur doit mettre en œuvre ces mesures en se fondant sur de nombreux principes généraux de prévention, mentionnés à l’article L4121-2 du Code du travail :

  • éviter les risques ;
  • évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
  • combattre les risques à la source ;
  • adapter le travail à l'homme (conception des postes de travail, choix des équipements de travail, des méthodes de travail et de production…) ;
  • tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
  • remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
  • planifier la prévention en y intégrant la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 du Code du travail ;
  • prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
  • donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Cette évaluation des risques doit figurer dans un document obligatoire : le document unique d'évaluation des risques.

L’employeur doit adapter les mesures déjà existantes dans l’entreprise au Coronavirus

L’article L4121-1 du Code du travail poursuit ainsi : « L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ». L’épidémie de Coronavirus en est un. Pour adapter les mesures déjà existantes dans l’entreprise au contexte actuel, l’employeur doit mettre en place une nouvelle organisation (télétravail, horaires décalées, plan de circulation…) et des moyens adaptés (savon, gel hydro alcoolique, masques, gants…), notamment au vu des préconisations et instructions mises à jour par le Gouvernement, tel que l'est le port du masque.

Pour justifier de la mise en place d’actions concrètes pour protéger ses salariés du Coronavirus, au sein de l’entreprise, l’employeur peut :

  • mettre à jour son document unique d'évaluation des risques ;
  • consulter son CSE ;
  • et communiquer les règles de déconfinement à l’ensemble des salariés, par le biais d’affichages, de formations ou de mails.

La responsabilité de l’employeur peut-elle être engagée en cas de contamination par le Covid-19 ?

La responsabilité civile de l’employeur

La responsabilité de l’employeur est en premier lieu civile : dès lors qu’un dommage a été causé à autrui de son fait, du fait de l’activité de ses salariés ou des choses qui sont sous sa garde (matériaux, machines, équipements, véhicules de l’entreprise par exemple), l’employeur est tenu à réparation car il commet une faute inexcusable (L452-1 du Code de la sécurité sociale). En cas d’infection au virus, s’il est pris en charge au titre d’un accident du travail par la sécurité sociale, une éventuelle faute inexcusable de l’employeur qui ouvre droit à une réparation intégrale du préjudice ne peut être retenue que s’il est démontré que celui-ci avait conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Pour que la responsabilité civile de l’employeur soit engagée, une faute doit lui être reprochée par son salarié, c’est ce que nous avons vu plus haut. L’employeur de son côté dispose d’une exonération possible de responsabilité. Il peut s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il a mis en œuvre les mesures de prévention. Juridiquement parlant, on parle d’obligation de moyen renforcée (Cass. soc., 25 novembre 2015, n° 14-24444 ; Cass. ass. plén., 5 avr. 2019, n° 18-17442).

Appliquée à l’épidémie de Coronavirus, cette jurisprudence constante protège un peu mieux l’employeur qui a bien mis en place des mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Cela peut se traduire par l’application des règles préconisées par le Gouvernement dans le plan national de déconfinement. Dans les faits, un salarié contaminé par le Coronavirus sur son lieu de travail ne pourra engager la responsabilité de son employeur que si ce dernier n’a pas accompli toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail.

La responsabilité pénale de l’employeur

Au-delà de cette responsabilité civile, beaucoup d’employeurs s’interrogent sur leur éventuelle responsabilité pénale dans l’hypothèse où un salarié viendrait à être infecté par le Coronavirus. Le ministère du Travail rappelle « S’agissant de la responsabilité pénale de l’employeur, elle demeure en période de crise sanitaire ». Cependant, il précise ensuite que « l’employeur qui ne peut mettre en télétravail ses salariés mais qui met à leur disposition des moyens de protection tels que savons, gel hydro alcoolique et tout autre moyen recommandé par les pouvoirs publics, les informe régulièrement et de façon actualisée sur la prévention des risques de contamination (rappel des gestes barrière et de distanciation) en adaptant leur formation à la situation de l’entreprise et à la nature des postes occupés (fiches métier disponibles sur le site du ministère) ne devrait pas, sous réserve de l’appréciation souveraine des juges, encourir de sanction pénale ».

Si la responsabilité pénale des entreprises est engagée, elle le serait sur le terrain des délits non intentionnels de l’article 121-3 du Code pénal : il y a délit en cas de « mise en danger délibérée de la personne d’autrui » ou en cas de « faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». Encore faut-il que le salarié contaminé réussisse à prouver que la faute de l’employeur ou de son délégataire est constituée. C’est-à-dire une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, ou une exposition du salarié à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer.

Mathilde Hardy
Mathilde Hardy

Je suis rédactrice web SEO et fondatrice de l’agence Les Nouveaux Mots. J'ai à cœur de rédiger des articles fiables et complets sur les sujets emploi, éducation, immobilier, argent et droit, notamment à destination des lecteurs de Cadremploi, grâce à mon expertise de 10 ans sur ces sujets.

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