Tout savoir sur le droit de retrait

Mathilde Hardy

Le droit de retrait permet à un salarié de cesser son travail en cas de danger imminent pour sa vie ou sa santé. Seulement, ce droit est juridiquement encadré et ne doit pas être invoqué à tort et à travers. Définition, procédure de mise en œuvre, effets et sanctions possibles, notre article répond à toutes vos questions.
Tout savoir sur le droit de retrait

Qu’est-ce que le droit de retrait ?

Le droit de retrait permet à un salarié, lorsque la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, de quitter son poste de travail ou de refuser de s'y installer, sans l'accord de son employeur.

Le droit de retrait est très clairement encadré par le Code du travail (C. trav., art. L4131-1) : « Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d'une telle situation.

L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection ».

Quand un salarié peut-il exercer son droit de retrait ?

Un salarié peut-il refuser de travailler dans une situation dangereuse ? Si on se réfère à l’article du Code du travail visé ci-dessus, le salarié doit avoir une croyance raisonnable en un danger grave et imminent. La notion de « danger grave et imminent » n’est définie nulle part. Il est donc à l’appréciation personnelle de chacun. En cas de litige avec l’employeur, la Cour de cassation appréciera « si le salarié justifiait d’un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé » (par exemple, Cass., soc., 28 nov. 2000, pourvoi n° 98-45.048).

Toute la difficulté réside donc dans l'évaluation de cette gravité : le danger incriminé ne doit pas être un simple risque lié aux conditions de travail, mais être susceptible de porter rapidement atteinte à la vie ou à la santé du salarié.

Exemples de situations professionnelles dans lesquelles le droit de retrait ne peut pas légitimement s’exercer :

  • Travailler dans une ambiance sonore à la limite du supportable ne justifie pas un droit de retrait.
  • Enchaîner toute la journée des tâches qui pourraient pénaliser un jour votre dos non plus.

Exemples de situations professionnelles dans lesquelles le droit de retrait peut légitimement s’exercer :

  • Votre employeur veut vous envoyer dans une zone à risque (guerre, épidémie de coronavirus…).
  • Le médecin du travail a demandé, sans succès, d'améliorer l'aménagement de votre poste, vous êtes à même de revendiquer ce droit.
  • Si votre bureau est placé sous une dalle de plafond qui menace de s'écrouler.
  • Ou encore si l'on vous demande de vous déplacer en clientèle avec un véhicule dont les freins sont prêts à lâcher.

Bon à savoir : le droit de retrait doit se distinguer du droit de grève. Constitue l’exercice du droit de grève et non du droit de retrait, l’arrêt de travail décidé par des salariés qui, après avoir refusé d’exécuter un ordre dangereux pour leur santé et leur vie, ont présenté une revendication professionnelle en demandant le bénéfice de la position chômage intempéries (Cass. soc., 26 sept. 1990, pourvoi n° 88-41.375).

Comment exercer son droit de retrait ?

La loi ne fixe aucune formalité en la matière : le salarié doit seulement informer, même oralement, l'employeur du danger constaté et ce peut être sans délai, concomitamment à son retrait.

À sa charge également de s'assurer que l'arrêt de son travail n'entraînera pas un autre danger pour ses collègues. La faculté de retrait ouverte au salarié doit être exercée « de telle manière qu’elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de risque grave et imminent » (C. trav., art. L4132-1).

Pour en savoir plus, nous vous proposons deux lettres type pour exercer votre droit de retrait auprès de votre employeur.

Le droit de retrait peut-il s’exercer à plusieurs ?

 Le droit de retrait peut tout à fait être exercé collectivement : « Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux » (C. trav., art. L4131-3). Dans un tel cas, chaque salarié informe individuellement son employeur qu'il se retire de la situation de travail dangereuse, ce qui suppose que chacun ait un motif raisonnable de penser qu'il existe un risque grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

Les conséquences du droit de retrait

Les conséquences du droit de retrait pour le salarié

« Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux » (C. trav., art. L4131-3). Cette formulation employée par le législateur est risquée pour le salarié, qui ne peut savoir a priori si sa démarche sera jugée légitime en cas de litige sur la notion de danger grave et imminent avec l’employeur.

Deux options existent suite au retrait du salarié :

  • L’exercice du droit de retrait est fondé : le dispositif légal s’applique. L’employeur ne pourra pas sanctionner l’employé, ni effectuer de retenue sur son salaire.
  • L’exercice du droit de retrait n’est pas fondé : l’employeur peut prendre une sanction disciplinaire (mise à pied, avertissement ou même licenciement disciplinaire) à son encontre (comme un acte d’insubordination) et une retenue pourra être pratiquée sur son salaire, en raison d’un travail non fait.

Les conséquences du droit de retrait pour l’employeur

L’exercice de ce droit s’avère risqué pour le salarié s’il l’exerce à mauvais escient, mais il peut être également dangereux pour l’employeur si celui-ci ne prend pas suffisamment au sérieux l’avertissement qui lui est ainsi délivré. Après un droit de retrait exercé, l'employeur doit faire face à ses responsabilités et permettre au salarié de reprendre le travail en toute sécurité. Si ce dernier vient à être victime d'un accident à cause d'un risque signalé et non pris en compte, l'entreprise peut être condamnée pour faute inexcusable. Dans ce cas, le salarié a droit à des indemnités majorées et à une rente d'accident du travail.

Quelles sont les sanctions possibles en cas d’exercice abusif du droit de retrait ?

Le salarié qui s’est retiré d’une situation qu’il estime à tort (et de manière non raisonnable) constituer un danger imminent pour sa vie ou sa santé peut au contraire faire l’objet d’un licenciement à titre de sanction de son insubordination (refus d’accomplir sa tâche), et ne pourra en tout état de cause prétendre à réintégration au cas où son retrait serait jugé légitime.

Covid-19 : comment exercer son droit de retrait ?

Comment exercer son droit de retrait en cas de risque de contamination par le Covid-19 ? Appliqué au Coronavirus, on parle de droit de retrait lorsque le travailleur se retire valablement d’une situation de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé dû à un risque de contamination par la Covid-19.

En période d’épidémie, c’est à l’employeur qu’il revient de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de son personnel. C’est dans l’hypothèse où le salarié estime que les mesures prises ne sont pas suffisantes à garantir sa sécurité sanitaire qu’il peut mettre en place la procédure de retrait pour risque de contamination au Covid-19.

Dans le contexte actuel, pour le Gouvernement (Question/réponse du gouvernement n° 19), dans la mesure où l’employeur a mis en œuvre les dispositions prévues par le Code du travail et les recommandations nationales (https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus) visant à protéger la santé et à assurer la sécurité de son personnel, qu’il a informé et préparé son personnel, notamment dans le cadre des institutions représentatives du personnel, le droit individuel de retrait ne peut en principe pas trouver à s’exercer. Les possibilités de recours au droit de retrait sont donc limitées lorsque l’employeur prend les mesures de prévention et de protection recommandées.

Exemple de droit de retrait Coronavirus qui ne serait pas fondé

Dès lors qu’un employeur suit les recommandations du Gouvernement, le salarié ne pourrait a priori pas invoquer le droit de retrait au motif qu’un de ses collègues revient d’une zone à risque ou a été en contact avec une personne contaminée.

Exemple de droit de retrait qui serait fondé

Le droit de retrait qui vise une situation particulière de travail et non une situation générale de pandémie. C’est-à-dire que le danger grave et imminent doit provenir des conditions de travail et non du Coronavirus en lui-même. Par exemple, exposer ses salariés à des poussières d’amiante sans protection.

Ou alors, si l’employeur ne respecte les consignes sanitaires pour se protéger du Coronavirus données par les pouvoirs publics. Un salarié serait donc fondé à exercer son droit de retrait pour la seule situation où, en violation des recommandations du Gouvernement, son employeur lui demanderait de se déplacer en l’absence d’impératif.

À noter : l’appréciation des éléments pouvant faire penser que le maintien au poste de travail présente un danger grave et imminent relève, le cas échéant, du juge qui vérifie le caractère raisonnable du motif.

Mathilde Hardy
Mathilde Hardy

Je suis rédactrice web SEO et fondatrice de l’agence Les Nouveaux Mots. J'ai à cœur de rédiger des articles fiables et complets sur les sujets emploi, éducation, immobilier, argent et droit, notamment à destination des lecteurs de Cadremploi, grâce à mon expertise de 10 ans sur ces sujets.

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