Avec GDC, Google Cloud souhaite supporter les clients de SAP les plus régulés

Lors de Google Cloud Next’24, le fournisseur a présenté les derniers ajouts en date consacrés à Google Distributed Cloud. Son programme de partenaires accueillera notamment SAP. Google Cloud pourrait aider à héberger S/4HANA et la PaaS de SAP, la BTP, sur site, sans connexion nécessaire à un cloud distant… mais en dehors du support SAP, selon SAP France.

Tout a commencé avec Anthos. Un moyen pour Google Cloud d’étendre sa portée en dehors de ses centres de données en s’appuyant sur Kubernetes. Voilà que Google Cloud a de quoi, comme ses concurrents majeurs, de mettre un franc pied chez des clients qui ne pourraient pas faire tapis sur le cloud.

C’est tout l’intérêt de Google Distributed Cloud, une gamme de solutions permettant de déployer des services cloud native sur site.

Non seulement GDC ouvre les voies à une approche cloud hybride, mais également un moyen de se couper entièrement du réseau. De ne plus dépendre d’une connexion technique avec les instances d’un fournisseur américain. « La solution ne réclame aucune connexion à Google Cloud ou à l’Internet public pour gérer l’infrastructure, les services, les API ou l’outillage et elle est conçue pour rester déconnectée perpétuellement », vante le site Web de Google Cloud.

Conscient qu’il reste soumis aux lois extraterritoriales américaines – à savoir le trio CLOUD Act, Patriot Act et FISA Act –, Google Cloud prétend que sa solution permet d’accueillir « les charges de travail du secteur public et des secteurs régulés en respectant les réglementations souveraines les plus strictes en matière de résidence des données, du contrôle du personnel opérationnel tout en limitant les impacts des défis juridictionnels ».

GCP redouble d’efforts pour pousser Google Distributed Cloud

Une belle promesse qui ne vaudrait pas grand-chose sans le concours de partenaires, ceux-là mêmes qui fournissent les logiciels et les middlewares clés pour ces OIV (ou assimilés) et ces entités gouvernementales.

Justement, lors de Google Cloud Next’24, le géant du cloud a annoncé l’ouverture de son écosystème de partenaires. Pour l’heure, c’est une « short list ». Ont validé la certification, GDC Canonical, CIQ, Elastic, MongoDB, Palo Alto Networks, et Starbust.

D’autres sont en cours de validation, dont : Citrix, Cockroach Labs, Confluent, Couchbase, Crowdstrike, Dynatrace, Ericsson, GitLab, Grafana Labs, Hashicorp, IS Decisions, MariaDB, Neo4J, Nokia, Redis, SAP, Splunk, Standard AI, Syntasa, Tenable, et Trellix.

Les porte-parole de Google Cloud ont choisi de mettre en avant Citrix, Starburst, Palo Alto et SAP. Google Distributed Cloud accueillera les charges de travail VDI du premier, la plateforme de fédération de requêtes/lakehouse du deuxième (qui a déjà une offre similaire avec Dell), et les outils de protection du troisième. Le partenariat avec le quatrième acteur, l’Allemand SAP, attire la curiosité.

L’éditeur d’ERP se trouve dans une position particulière. Sommé par ses actionnaires de générer des revenus récurrents, il a modulé son modèle économique et s’est franchement tourné vers le cloud. Si la plupart des entreprises adoptent le cloud et se tournent vers les offres de type SaaS de SAP, une partie de ses clients ne le souhaitent pas ou ne le peuvent pas.

De plus, SAP a publiquement annoncé qu’il ne prendrait plus en charge ECC6 à partir de 2030 (pour ceux qui auront payé 2 % de plus pour ne pas subir la fin de vie préalablement fixée à 2027) et que S/4HANA – en dehors du cloud – ne sera plus officiellement pris en charge à partir de 2040.

Une offre isolée du cloud pour des clients très régulés

Ses clients français, entre autres, par la voie de l’USF, ont été suffisamment bruyants.

SAP a permis à OVHcloud d’obtenir la certification nécessaire pour héberger SAP HANA sur les instances de cloud privé du fournisseur français. SAP ne souhaite toutefois pas – aux dernières nouvelles – passer les audits des acteurs agréés par l’ANSSI afin d’obtenir la qualification SecNumCloud. Il attend les autorités de cybersécurité européenne autour de l’EUCS pour respecter la réglementation. Et de conseiller à ses clients qui voudraient absolument la validation de l’ANSSI d’attendre que Bleu – basé sur les technologies d’Azure et S3NS, sur celle de Google Cloud – émergent, premièrement, et qu’ils obtiennent le fameux tampon SecNumCloud, deuxièmement. Thalès, partenaire de Google Cloud dans cette aventure, croise les doigts pour que cela soit chose faite avant la fin de cette année.

« Selon nous, le meilleur endroit pour héberger [S/4HANA et la BTP] demeure le cloud public de GCP, mais pour des clients spécifiques qui ont besoin d’une prise en charge totalement coupée d’Internet, nous aurons cette solution ».
Sachin GuptaV-P et DG, Infrastructures and Solutions Group, Google Cloud

Force est de constater qu’il y aura une offre de plus pour les clients concernés par certaines réglementations, mais qui n’auraient pas la nécessité absolue d’opter pour une infrastructure gérée par un acteur au moins 60 % européen (cf. la version 3.2 du SecNumCloud). Selon GCP, il serait possible d’héberger l’ERP S/4HANA et la PaaS BTP (Business Technology Platform) sur des instances potentiellement « air-gapped » de GDC. C’est en tout cas ce qu’affirme Sachin Gupta, vice-président et directeur général, Infrastructure and Solutions Group chez Google Cloud.

« Nous travaillons à la prise en charge de S/4HANA et de la BTP sur les environnements GDC », déclare-t-il. « Selon nous, le meilleur endroit pour héberger [S/4HANA et la BTP] demeure le cloud public de GCP, mais pour des clients spécifiques qui ont besoin d’une prise en charge totalement coupée d’Internet, nous aurons cette solution ».

Un porte-parole de SAP France suppose que cela concerne la valorisation de licences BYOL (Bring your own license) de S/4HANA et non la prise en charge de solutions prises directement en charge par l’éditeur allemand.

Cette intuition semble être la bonne : Google Distributed Service peut aussi prendre en charge les bases de données Oracle en mode BYOL.

Est-ce que cette offre sera prise en charge dans le programme commercial Rise With SAP ? À la connaissance de Sachin Gupta, il n’y a pas eu de discussions en ce sens. La même question a été posée à SAP par LeMagIT. « Aucun plan RISE n’est visible à ce jour », selon SAP France.

RISE with SAP : le bare-metal cloud, une valeur sûre

Cerise sur le gâteau, Google Cloud offrira prochainement la possibilité d’héberger de grands modèles de langage, d’abord le modèle « open weight » Gemma 7B et AlloyDB, une base de données compatible avec PostgreSQL prenant en charge la recherche vectorielle, sur site. Ces capacités seront-elles utilisables dans les environnements SAP supportés par SAP ? Est-ce que l’éditeur allemand se risquerait à faire ce que son COO français considérait comme trop complexe auprès du MagIT ? Toujours non, selon SAP France.

Une option de plus donc. D’autant que pour Google Cloud, la souscription RISE semble très bénéfique. Aujourd’hui, GCP accueillerait plus de 450 clients RISE, en hausse de 150 % sur un an et plus de 15 000 instances, ce qui représenterait une empreinte de 3 pétaoctets de mémoire vive.

En ce sens, Mark Lohmeyer vice-président et directeur général, Compute and AI/ML Infrastructure chez Google Cloud, a évoqué la préversion de nouvelles instances bare-metal sur Google Cloud, taillées pour RISE with SAP.

« X4 permet d’accueillir jusqu’à 32 téraoctets de mémoire vive sur une seule instance », affirme-t-il. Plus précisément, GCP offre trois configurations bare-metal basées sur des processeurs Intel Xeon de quatrième génération et de la mémoire vive DDR5. La plus grosse des instances compte 1 920 vCPU et 32 To de RAM DDR5 associé à 96 To de stockage. GCP ne donne pas toutes les caractéristiques des instances, mais deux plus petites instances seront équipées de 960vCPU et 16 To de RAM, tandis qu’une instance intermédiaire comptera 1 440 vCPU et 24 To de RAM. Les X4 sont accessibles en préversion dans les régions cloud US, EMEA et APAC du fournisseur cloud.

« SAP est très satisfait de pouvoir s’appuyer sur ce type d’instance dotée d’un SLA de 99,95 % dans le cadre de l’offre RISE, afin d’améliorer la performance et réduire les coûts des charges de travail critiques S/4 pour le compte de ses clients », vante Mark Lohmeyer.

SAP teste également les nouvelles moutures des instances bare-metal C3, une gamme lancée en 2023. Celle-ci aussi est propulsée par des processeurs Intel Xeon de quatrième génération.

Un écosystème en cours de développement, T-Systems pour vitrine européenne

Quant à Sachin Gupta, il précise que d’autres éditeurs indépendants s’apprêtent à rejoindre l’écosystème d’acteurs prêts à laisser leurs clients déployer leurs logiciels sur les environnements déconnectés de GDC. Un formulaire d’inscription est ouvert pour les acteurs qui souhaiteraient obtenir la certification GDC.

« Nous continuons de travailler avec les clients pour déterminer quels éditeurs indépendants ils aimeraient voir obtenir la certification [GDC] et nous verrons si ces éditeurs sont prompts à l’obtenir », anticipe-t-il.

Pour l’heure, un partenaire commun de Google Cloud et de SAP se dit être le « seul fournisseur doté d’une infrastructure de cloud privé européen » à être partenaire RISE with SAP Premium. C’est T-Systems. « De plus, nous proposons l’hébergement [de charges de travail] sur hyperscaler », expliquaient les porte-parole du groupe allemand au MagIT en février dernier. Le tout avec « des capacités d’orchestration de bout en bout et de solutions de conseil afin de proposer une offre la plus complète possible ». Cette offre nommée Future Cloud peut être déployée par T-Systems sur ses infrastructures européennes, non soumises aux lois extraterritoriales américaines, ou celles des clients. Elle s'appuie sur un assemblage de systèmes Intel, Cisco, VMware, NetApp, et Lenovo. Par ailleurs, T-Systems propose également une offre propulsée par les technologies Google Cloud, à la manière de ce que fera bientôt S3NS.

D’ailleurs, GCP a annoncé que T-Systems, avec Clarence et WWT, fait partie des premiers « Managed GDC Providers ». Ceux-là vendront « Google Distributed Cloud comme un service managé aux utilisateurs finaux, parallèlement aux services d’exploitation, de conception, de migration et de livraison, et de déploiement », précise Vithal Shirodkar, vice-président et directeur général, Distributed Cloud et Geo Expansion, chez Google Cloud, dans un billet de blog.

Maj 25/04/2024 : des précisions ont été apportées concernant l'offre RISE With SAP portée par T-Systems.

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