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En Autriche, le château de Sissi devient un hôtel de luxe

En reprenant le château qui domine le lac de Fuschl am See, couronné de montagnes boisées, le groupe hôtelier Rosewood s'offre une nouvelle légende.
En reprenant le château qui domine le lac de Fuschl am See, couronné de montagnes boisées, le groupe hôtelier Rosewood s'offre une nouvelle légende. WhatTheFox

REPORTAGE - Lieu de tournage iconique de la célèbre trilogie du cinéma glamour des années 1950, le château de Fuschl, sur lequel plane l'ombre de Romy Schneider, est désormais un hôtel de luxe. Le Figaro a pu, en exclusivité, y passer la nuit à la veille de son ouverture.

Envoyé spécial à Fuschl am See

C'est la première image du film Sissi. Sur un lac, supposé être en Bavière, glisse un radeau que poussent quatre solides bûcherons en culotte de peau. Au bord de l'eau, se tient debout sur un ponton le duc Max en Bavière (Gustav Knuth), que les hommes saluent d'une même voix : « Mes respects votre altesse », sur un fond musical de « Tralalahihou »… En arrière-plan, apparaît une solide bâtisse carrée, plus haute que large, écrasée d'une toiture pointue et noyée dans la verdure. Sur une façade ondule la bannière armoriée du royaume de Bavière. Le plan s'élargit. On voit une grande prairie, pente raide plus verte que nature, d'où dégringole dans une farandole joyeuse, la tribu d'enfants royaux. Le château est censé être celui de Possenhofen, sur le lac de Starnberg, près de Munich, où naquit, dans la vraie vie, la future impératrice d'Autriche. En trop mauvais état à l'époque du tournage, on y substitua ce château de Fuschl, à deux cents kilomètres de la capitale de la Bavière, ancien pavillon de chasse des princes archevêques de Salzbourg, au destin chaotique, fréquenté par von Ribbentrop avant de devenir un foyer pour les soldats américains et même en 1947 un premier hôtel, suivi d'autres, dont le dernier a fermé pendant la pandémie. Dans la fiction, le lieu est si parfait qu'on le croyait inventé. Sissi (Romy Schneider) en fera un idéal : celui d'un monde où rien de mauvais ne peut arriver. Emporté par son succès, le premier des trois films (Sissi, Sissi impératrice et Sissi face à son destin), fit quelque peu oublier les vraies raisons de sa production.

Dans une impressionnante opération de propagande gouvernementale, il s'agissait avant tout de gommer le passé nazi de l'Autriche et de promouvoir le tourisme, en offrant au monde une image plus positive du pays. Le tournage du film, confié à Ernst Marischka, roi de l'opérette viennoise, débuta fin août 1955, alors que l'Autriche était encore occupée par les Alliés. La province de Salzbourg se trouvait alors en secteur américain.

Rosewood s'offre une légende

En reprenant le château qui domine le lac de Fuschl am See, couronné de montagnes boisées, le groupe Rosewood, en charge notamment du Crillon à Paris et du Carlyle à New York, s'offre donc une nouvelle légende, attachée à un film dont la notoriété fut telle qu'il dépassa à sa sortie en nombre d'entrées Autant en emporte le vent (plus de dix millions pour le seul Hexagone). Aussi, se rendre à Fuschl n'est-il pas anodin.

On y renoue avec cette part de légèreté que Sissi a déposée, à longueur de rediffusion, au plus profond de notre enfance. On y entre comme dans une maison de famille, habitée par des êtres chers, auxquels vous lient des souvenirs qu'on n'a pas vécus mais tellement vus et revus dans le film, qu'ils sont étrangement devenus les vôtres… Quelques arbres ont poussé sur la grande prairie, que parcourt Hélène pour pardonner à sa sœur d'avoir séduit le jeune empereur, qui lui était promis. Cette fenêtre par laquelle la duchesse Ludovica (Magda Schneider), interpelle familièrement sa fille venue l'informer de son départ à la chasse n'a pas bougé. On cherche – en vain - l'enclos où la jeune Sissi biberonne un faon et la volière par laquelle elle rend sa liberté aux oiseaux, à la veille de perdre la sienne, en devenant l'impératrice d'Autriche.

Rosewood Schloss Fuschl est aujourd'hui un hôtel de 98 chambres, dont 42 suites, réparties dans le château et ses dépendances

Les colonnes de marbre rouge trapues et torsadées, qui encadrent à l'écran la salle à manger, si kitch qu'on les croyait factices, semblent monter la garde. Impossible de ne pas caresser les volutes marbrées qui glacent la paume et scellent l'empreinte du temps qui passe (c'est aujourd'hui un bar rafraîchi de nouvelles fresques peintes à la main d'une rare beauté)… Tout est donc là, à portée de nos yeux. On fauche les images ressuscitées du film dans une moisson de nostalgie. D'autant que la figure impériale est ici très présente : petit musée Sissi, excursion Romy Schneider dans les environs, cocktail Sissi, suite Sissi… Les visiteurs ne risquent pas d'ignorer que dans cet endroit, naquit la légende d'une impératrice Élisabeth qui, paradoxe, n'y mit jamais les pieds ! Mais le présent se rappelle bien vite à nous.

Adieu carrosses, chevaux et crinolines… Rosewood Schloss Fuschl est aujourd'hui un hôtel de 98 chambres, dont 42 suites, réparties dans le château et ses dépendances. Plus six chalets posés au bord de l'eau, comme dans un rêve. Deux ans de travaux ont permis à ce très luxueux resort d'exister, confié à l'expertise de Rosewood, qui signe là son trente-troisième établissement dans le monde. Le lobby dans un design ultrachic, est dominé par une œuvre monumentale de Georg Baselitz, issue de la prestigieuse collection privée, une centaine de tableaux, d'une famille de brasseurs, propriétaire du château depuis 2004.

Espace hors du commun

Du même acabit, les chambres, dans un camaïeu de beige sont un mélange de mobilier contemporain revisité par une touche plus régionaliste, livres, gravures, porcelaines, tissus autrichiens… Au pied du château, on a construit une luxueuse plage sur pilotis. C'est le See Club, restaurant et bar, animé par un personnel en canotier, qu'on croit sorti d'un film de Luchino Visconti. On y trouve des bains de soleil, un ponton réservé à l'usage du kayak et du paddle, une échelle de coupée pour se baigner dans les eaux cristallines d'un lac surprotégé, sur lequel chaque soir une balade romantique en barque électrique (avec champagne et plancha) est proposée (sans supplément) aux clients de l'hôtel. Dans le château, on trouve encore deux autres restaurants, une brasserie terrasse en aplomb du lac (See Terrasse) et le Schloss Restaurant, plus gastronomique. Deux petits salons, à la manière d'un club anglais intimiste, sont réservés aux amateurs de thé et de whisky. L'Asaya Spa (15.000 m², 2 piscines dont une extérieure et 8 cabines de soins) se sont logés dans les communs qui n'en ont que le nom… Car l'espace plutôt hors du commun justement comporte aussi des suites ouvertes en rez-de-jardin, non pas sur un jardinet tiré au cordeau, mais directement dans la nature sauvage et brouillonne d'un bord de lac. Le silence y règne en maître absolu.

Le personnel, plutôt jeune, en tenue traditionnelle, veste autrichienne pour les hommes et dirndl pour les femmes, ajoute par une décontraction maîtrisée une touche glamour à l'art de recevoir (beaucoup d'entre eux parlent français). Dans ce décor « made in Austria » de chalets peints, de guirlandes, de pétunias et de pelouses garnies d'hortensias, les clients jouent le jeu, robes longues et blazers le soir sont de rigueur. L'hôtel a ainsi été conçu comme une destination, entre farniente et grand air, au point qu'on en oublierait presque d'aller visiter Salzbourg. Tout concourt à l'apaisement dans des paysages typiques où les sapins semblent s'écarter pour laisser naître des prairies. Au fond, on ne sut jamais par quel hasard le château de Fuschl fut repéré pour incarner Possenhofen, dans le film Sissi, auquel le lie, à défaut d'une vraie ressemblance, une même allure de demeure patricienne. Devant supporter une perruque de six kilos, serrée dans des corsets d'un autre temps, harcelée par une mère dominatrice et un beau-père qui dilapida ses cachets (on lui aurait proposé 1 million de Marks pour le dernier Sissi, soit 1,6 million d'euros), Romy Schneider, alors âgée de 17 ans, garda sa vie durant un souvenir pénible du tournage. Fuschl en renvoie aujourd'hui l'exact contraire. On y a en bonheur ce que l'impératrice Élisabeth et Romy Schneider eurent en malheur, confondues dans un même destin tragique.


Carnet de route

Y aller

En train comme en avion, il n'y a pas, depuis Paris, de liaison directe avec Salzbourg. En train, il faut emprunter le réseau TGV Est avec une correspondance à Munich, Stuttgart ou Mannheim. 20 min jusqu'à l'hôtel, depuis la gare de Salzbourg. Plus d’informations sur le site Austria Info.

Où dormir

Rosewood Schloss Fuschl, Schloss Strasse 19, à Hof (Salzbourg). Compter à partir de 650€ la nuit, avec le petit déjeuner. Téléphone : 00 43 6 229 39 980.

Bonne table

Le Schloss Restaurant. Jonathan Maloney / Inga Beckmann for What The Fox Studio

Schloss Restaurant est une table gastronomique au décor raffiné, ouverte sur le lac dans une sorte de véranda contemporaine. En cuisine, un chef autrichien, Julian Schwamberger, qui excelle dans la cuisson des poissons du lac comme cet omble chevalier en croûte de sel. Le sucré a été confié à un jeune alsacien, Jeremie Baessler, plutôt doué, qui a fait du Salzburger Nockerln (sorte de soufflé), sa spécialité. On y dîne pour environ 100€. Schloss Strasse 19, Hof. Téléphone : 00 43 6 229 39 980.


Sur les traces de Romy Schneider

Karl-Heinz Böhm et Romy Schneider dans Sissi impératrice, en 1956. Bridgeman Images

L'héroïne du film Sissi, née à Vienne, passa son enfance à Berchtesgaden, en Allemagne, proche de Salzbourg, connu aussi pour avoir été la résidence de Hitler, dont Magda Schneider était proche. Un petit musée, au bord du lac de Königssee rassemble quelques souvenirs liés à Romy Schneider. On y voit ses cahiers de classe, nombre de photos et les affiches originales de ses films les plus célèbres. Parmi les objets rassemblés, l'ombrelle qu'elle porte dans le film Ludwig de Luchino Visconti, où elle incarne une impératrice Élisabeth, bien loin de l'image sucrée de Sissi. Ce musée a été créé par Hans Klegraefe, dont la mère tenait le cinéma de Berchtesgaden et fait partie d'un tour Romy Schneider que propose l'office de tourisme de Salzbourg et le Rosewood Schloss Fuschl (en limousine avec un guide français 950€. 4 heures).

Seconde étape, dans le village voisin de Shönau, on voit la maison d'enfance de Romy, que sa mère habita jusqu'à sa mort en 1996, transformée en chambre d'hôte (Grabenweg 15) et le cimetière où repose Magda Schneider, dans une tombe très fleurie, surmontée d'un rocher. Enfin, troisième étape à Salzbourg, au château de Goldenstein (Romy Schneider Strasse), encore aujourd'hui école catholique, où l'actrice fut scolarisée durant quatre années. Dans un couloir qui mène aux classes, sa photo parmi les autres élèves figure en bonne place et clôt ce circuit qui permet entre l'Autriche et l'Allemagne, d'admirer aussi les paysages montagneux et splendides des Alpes bavaroises.

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4 commentaires
  • Piglou

    le

    Il y a aussi le château de Sissi à Sassetot le Mauconduit en Normandie.
    Elle y a séjourné et se "baignait" à la plage des Petites Dalles.

  • anonyme

    le

    Pas sûr que ça plaise à Melenchon ! Un tantinet bourgeois ?

  • kaszewma

    le

    Ce château vient certes de changer de propriétaire, mais c’est un hôtel depuis longtemps, j’y ai passé une nuit en 1992. Souvenir mémorable

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