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Réélection inédite, forte abstention, reports de voix... les cinq leçons à tirer du second tour de la présidentielle

Emmanuel Macron a été réélu avec 58,54% des voix, face à Marine Le Pen (41,46%).
Emmanuel Macron a été réélu avec 58,54% des voix, face à Marine Le Pen (41,46%). LE FIGARO

Le Figaro dresse les principaux enseignements de ce match retour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

La présidentielle, c'est terminé. Après deux semaines d'un match retour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, les Français ont finalement plébiscité le président sortant. Au lendemain du second tour, et au terme d'une campagne perturbée par les crises, Le Figaro dresse les cinq leçons à tirer de ce scrutin.

1. Macron réélu hors cohabitation : une première historique

Le simple fait d'être réélu est une performance en soi. Qu'il s'agisse de Valéry Giscard d'Estaing en 1981, ou Nicolas Sarkozy en 2012, aucun n'est parvenu à s'imposer au-delà d'un premier mandat. Impopulaire à l'issue de cinq années d'exercice, François Hollande a, lui, directement renoncé à se représenter en 2017.

Mais la véritable «prouesse» se trouve ailleurs. Les soutiens du locataire de l'Élysée ne manquent d'ailleurs pas de le faire remarquer, et ses détracteurs sont bien obligés de le lui accorder : pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, un président en exercice est reconduit sans passer par la case cohabitation. «C'est une élection unique», observe le chef de file de la majorité, Christophe Castaner. «D'un point de vue historique, l'impossible a été réalisé par Emmanuel Macron», appuie-t-il.

Les deux précédentes réélections l'illustrent. En 1988, François Mitterrand remporte à nouveau le suffrage des Français. Depuis deux ans, il subit toutefois les conséquences de l'échec de son parti aux législatives. Un échec qui l'a conduit à nommer un premier ministre de droite : Jacques Chirac. Le même Jacques Chirac qui se voit contraint au même scénario quelques années plus tard. En 1997, celui qui est devenu chef de l'État perd sa majorité à l'Assemblée nationale et nomme, à son tour, un premier ministre socialiste. Il est réélu cinq ans plus tard, après un duel l'opposant au Front national.

Unique, la réélection d'Emmanuel Macron l'est donc incontestablement. Elle s'inscrit néanmoins dans un contexte lui aussi bien spécifique : succession de crises, campagne éclair, vote utile plus que vote d'adhésion... le plus jeune président de la Ve est reconduit dans un climat tendu et observé de près par ses soutiens. Sur BFMTV lundi matin, sa ministre Agnès Pannier-Runacher l'a même appelé à «entendre les colères qui remontent», soulignant que «dans ce vote vous avez beaucoup de gens qui sont déboussolés».

2. Une forte poussée de l'abstention

Le réflexe semble lointain. En 2002, l'affiche du second tour avait convaincu les Français, d'abord très enclins à l'abstention, de se rendre dans les urnes. Le taux de participation avait bondi de près de huit points, et permis à Jacques Chirac de devancer très largement Jean-Marie Le Pen.

Vingt ans plus tard, ce front républicain a vécu. S'il a encore poussé des électeurs à «faire barrage», il semble être de plus en plus essoufflé. Comme en 2017, mais de manière encore plus significative, les électeurs se sont ainsi démobilisés. Et l'abstention, qui s'élevait à 26,31% au premier tour, s'est hissée à 28,01% au second. Elle reflète sans surprise les électeurs qui n'ont pas voulu trancher, face à un choix jugé cornélien. C'est notamment le cas des électeurs de Jean-Luc Mélenchon (45%), Valérie Pécresse (30%), Yannick Jadot (29%) et Éric Zemmour (13%). Les votes blancs - que l'on attendait nombreux - sont en revanche moindre qu'il y a cinq ans : 6,35% cette année, contre 8,52% auparavant.

De quoi faire dire au chef de file des Insoumis, dimanche soir, qu'Emmanuel Macron est «le président le plus mal réélu de la Ve République». Quelques heures plus tard, des soutiens ont toutefois nuancé ces propos et évoqué plutôt une «appréciation politique». Si l'on en croit les chiffres, ce titre revient en réalité à Georges Pompidou, élu en 1969 avec un niveau record de 31,10% d'abstention.

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3. Un score record pour le camp nationaliste

«Hélas, hélas, hélas, c'est la huitième fois que la défaite frappe le nom de Le Pen.» C'est par ces mots que le président de Reconquête !, Éric Zemmour, a accueilli la défaite de sa concurrente nationaliste. Un ton qui tranche avec celui des équipes de Marine Le Pen, lesquelles ont à l'inverse trouvé une source de satisfaction dans un énième échec. «Le résultat de ce soir représente en lui-même une éclatante victoire», a même déclaré la candidate devant ses militants.

Avec 41,46% des voix, Marine Le Pen peut en effet se réjouir d'une progression notable. En cinq ans, la candidate gagne huit points (33,90%) et quelque trois millions de voix. C'est bien au-delà de son score de 2012 (17,90% au premier tour) et encore davantage que les scores enregistrés par son père, dont la seule qualification a eu lieu en 2002 (16,86%). La candidate doit notamment ces gains au nouveau réservoir de voix, permis par la candidature d'Éric Zemmour. Selon son porte-parole, Sébastien Chenu, c'est aussi l'aboutissement de la normalisation de son image. «Je crois que nous sommes sortis des caricatures pour beaucoup de Français, il reste encore du chemin à faire, c'est ce que va faire je l'espère Marine Le Pen dans les mois à venir», a déclaré l'élu au micro de RTL.

4. Des zones de progression très distinctes pour chaque candidat

Chacun des deux finalistes a agrégé de nouveaux électeurs pour ce second tour. Quelque trois millions pour Marine Le Pen, et plus de neuf millions pour Emmanuel Macron. À l'image des deux France qu'ils ont incarnées au premier tour, ils ont progressé auprès de catégories de la population bien spécifiques.

Dès dimanche soir, la candidate soutenue par le RN a ainsi remercié les Français «des campagnes et des Outre-mer, cette France trop oubliée». Et pour cause. Pour cette ultime étape, la députée du Pas-de-Calais a battu des records en dehors de la métropole, dans des terres particulièrement favorables à Jean-Luc Mélenchon au premier tour. Elle recueille ainsi 69,90% des voix en Guadeloupe, 60,87% en Martinique, 60,70% en Guyane... Marine Le Pen progresse également dans les petites communes, là où Emmanuel Macron arrive en tête dans de nombreuses grandes villes.

Le président sortant a aussi fait le plein auprès des catégories supérieures (66%), retraités (68%)et diplômées (70%), ainsi qu'en Ile-de-France (69%) et dans les communes de plus de 10 000 habitants. Sa concurrente convainc, elle, les personnes les moins diplômées (56%), les catégories pauvres (56%) et les communes rurales (52%).

5. Des reports de voix significatifs

C'est peut-être la preuve que les consignes de vote ont encore un sens. D'un scrutin à l'autre, Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont bénéficié d'importants reports de voix issues des candidatures de leurs anciens concurrents. À gauche, le président sortant a profité du front républicain réclamé notamment par l'écologiste Yannick Jadot, et suivi par 64% de ses électeurs. À droite, près de huit électeurs sur dix d'Éric Zemmour se sont reportés, à la demande du candidat, sur Marine Le Pen.

Du côté de Jean-Luc Mélenchon, les voix sont plus disparates. Ayant pour seule consigne de ne pas donner «une voix à Madame Le Pen», les électeurs insoumis se sont répartis en deux blocs majoritaires : l'un allant vers Emmanuel Macron (42%) et l'autre vers l'abstention (45%). 13% ont opté pour Marine Le Pen. C'est douze points qu'en 2017 pour le chef de l'État, et un de moins pour la candidate nationaliste.

Le choix des électeurs de Valérie Pécresse reflète quant à lui les différents courants qui traversent le parti. Près d'un sur deux (52%) a voté pour le chef de l'État, 30% ont préféré le «ni-ni» et 18% se sont tournés vers la droite radicale.


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57 commentaires
  • CER203

    le

    En fait il a gagné et c'était prévisible, vu l'irresponsabilité des Français et des candidats au premier tour, candidatures atomisees et en grand désordre vote de défiance généralisé. Mais au rythme de progression de Le Pen, elle sera élue la prochaine fois d'autant plus que Macron a fait le vide autour de lui et n'a pas de successeur dans le même style . Donc il faut des résultats notamment en matière de sécurité (vous avez compris quelque chose pendant le débat ? On avait l'impression que Macron était content de ses résultats et n'avait plus d'idées. ). Pour y arriver il va devoir faire ce que proposaient ses adversaires ce qui fera exploser LREm. Victoire amère donc.

  • Clara2411

    le

    Ils se prennent pour des américains avec leur main sur le cœur !!!

  • clubmen clubmen

    le

    De quoi ? ,? ? ?
    1. Macron réélu hors cohabitation : une première historique... Ah bon ! ?
    Flûte j'ai dû manquer un épisode en fac. Je croyais que de Gaulle avait été le premier Président à être réélu, et il n'a jamais connu la cohabitation... cohabitation QUI N'ÉTAIT PAS DU TOUT ENVISAGEABLE dans les sphères constitutionnelles de l'époque.
    Toute la journée de lundi cette sornette a été crachetonnée dans tous les micros par toutes les radio et télés.
    Aura fallu attendre Balladur pour pipoter dans un article de presse que Chirac pourrait candidater pour être Premier Ministre en cas de victoire aux législatives de '86
    Vite que je me précipite sur les livres d'Histoire...

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