Le nickel est un élément crucial pour la production de smartphones et de batteries électriques pour voiture. Malgré une demande en hausse, les prix chutent, attisant la situation déjà très complexe en Nouvelle-Calédonie. Cela, alors que le territoire compte de très importantes réserves.

C’est un métal à l’allure tout ce qu’il y a de plus banal. Pourtant, le nickel est l’une des ressources les plus prisées au monde, car il s’agit de l’un des éléments essentiels de la composition des smartphones et des batteries de voitures électriques. Le nickel est aussi la première exportation de la Nouvelle-Calédonie, car le territoire possède 30 % des réserves mondiales. Mais loin d’être un atout, le nickel est en ce moment l’une des sources des tensions au sein de la collectivité.

Des émeutes importantes, qui ont fait cinq morts, secouent ces derniers jours l’île. La Nouvelle-Calédonie a été placée en état d’urgence et l’appli TikTok, accusée par le gouvernement d’être une source de manipulation étrangère, a été bloquée sur place. Si la situation est en grande partie due à une réforme électorale très controversée, les troubles que connait l’industrie du nickel ont rajouté de l’huile sur le feu.

Une mine de nickel en Nouvelle-Calédonie, exploitée par Nickel Mining Company // Source : Nickel Mining Company
Une mine de nickel en Nouvelle-Calédonie, exploitée par Nickel Mining Company // Source : Nickel Mining Company

À quoi sert le nickel ?

L’utilisation du nickel dans les téléphones portables

Le nickel est l’un des nombreux composants utilisés pour la fabrication des smartphones. Parmi les matériaux utilisés, on compte « 25 à 30 % de fer et dérivés de fer (zinc, étain, chrome, nickel, etc.) », indique Recommence, un spécialiste des smartphones reconditionnés. Plus spécifiquement, le nickel est utilisé dans plusieurs parties des téléphones.

D’après Visual Capitalist, qui a disséqué des téléphones pour comprendre leurs compositions, on trouve du nickel :

  • dans les raccordements électriques,
  • dans le boitier, car il réduit les interférences électromagnétiques,
  • dans la batterie,
  • dans la partie du microphone et des hauts parleurs. « Dans le micro, c’est le nickel qui rend possible la vibration du diaphragme », indique le média.

L’utilisation du nickel dans l’industrie automobile

Dans l’industrie automobile aussi, le nickel est une ressource précieuse. Comme l’indique Knauf Automotive, le nickel est « utilisé à la fois dans la fabrication de l’acier inoxydable et dans la production de convertisseurs catalytiques » pour les voitures à moteur thermique. « Les alliages de nickel sont utilisés dans une large gamme de composants automobiles. En raison de leurs flexibilités et de leurs résistances élevées, ils sont utilisés pour fabriquer des composants de pare-chocs et de roues, ainsi que des bougies d’allumage ou des turbocompresseurs. »

Mais le nickel est également une ressource de plus en plus recherchée pour la fabrication de voitures électriques et hybrides, car il rentre dans la composition des batteries. « Ce matériau est à la base des batteries lithium-ion, qui sont une source d’énergie très courante dans les véhicules électriques. » Grâce à ses propriétés et à sa résistance, le nickel permet de réaliser des batteries électriques plus puissantes.

Batterie voiture // Source : Audi
Une batterie de voiture. // Source : Audi

Comme le souligne Innovation News, « le nickel, lorsqu’il est affiné et allié de manière appropriée, améliore les propriétés des composants de la batterie en augmentant leur densité énergétique. Cette densité énergétique supérieure se traduit directement par des paramètres de performance améliorés, tels qu’une plus grande autonomie et une plus longue durée de vie de la batterie pour les véhicules électriques. »

Pourquoi le nickel est-il une source de tension ?

Des prix en chute libre

Parce qu’il rentre dans la conception des téléphones et des voitures, le nickel est un composant à l’importance géopolitique majeure. La Nouvelle-Calédonie détiendrait de 20 à 30 % des réserves mondiales estimées, ce qui en fait l’un des producteurs les plus importants, avec l’Indonésie et Les Philippines.

Mais malgré une explosion de la demande mondiale en nickel, avec l’augmentation du nombre de smartphones et de voitures électriques, le secteur du nickel est en crise. La raison est à chercher du côté de l’Indonésie, qui s’est imposée en quelques années comme le premier producteur mondial de nickel, grâce à des investissements et à des entreprises chinoises. « Le nickel indonésien bon marché, contrôlé par la Chine et déversé sur le marché, a fait s’effondrer les prix du nickel et contraint à des fermetures de mines au niveau mondial », estime ainsi le site spécialisé Mining.

Le prix du nickel a ainsi chuté de 40 % en 2023, et il devrait encore baisser en 2024. Une situation intenable pour les entreprises calédoniennes : selon BFMTV, la production de nickel aurait « chuté de 32 % au premier trimestre », et La Société Le Nickel, « premier employeur de l’archipel, a enregistré une chute de ses ventes de 50 %. » Deux autres sociétés minières, Prony Resources et KNS, sont également en difficulté et recherchent des repreneurs ou des financements. Le nickel est également l’une des principales sources de revenus du territoire : le secteur minier « est le premier employeur du territoire », indique BFMTV, et « emploie directement ou indirectement 20 à 25 % des salariés calédoniens. »

Le « pacte nickel »

Pour remédier à la situation, en novembre 2023, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a proposé l’instauration du « pacte nickel ». Ce pacte propose de mettre en place des subventions à l’énergie, à hauteur de plusieurs millions d’euros, afin d’aider à rendre la production plus rentable. Mais en échange de ces subventions, le pacte prévoit que les collectivités locales s’engagent à rendre accessibles les ressources, et que la Nouvelle-Calédonie participe financièrement. « Il est désormais question que les Calédoniens apportent 8 milliards [de Franc Pacifique, ndlr] chaque année », note le média local Madein.nc.

Surtout, comme expliquait Le Monde, le pacte vise « à restituer provisoirement la compétence nickel à l’État » français, alors qu’il s’agit d’une compétence calédonienne depuis les accords de Nouméa, en 1998. C’est véritablement là que le bât blesse : selon Ronald Frère, chef de file du parti indépendantiste Souveraineté calédonienne cité par Le Monde, cet accord serait un « pacte colonial de reprise en main de la maîtrise des matières premières de la Nouvelle-Calédonie ». De quoi compliquer encore plus la situation sur place, et faire du nickel un élément encore plus central de la crise actuelle.

Source : Numerama

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