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Tour de France : Biniam Girmay, le trompe l’œil du cyclisme africain ?

Biniam Girmay après sa première victoire avec ses compatriotes.
Biniam Girmay après sa première victoire avec ses compatriotes. Jan De Meuleneir / Photo News / Panoramic

DÉCRYPTAGE - En remportant les 3es et 8es étapes du Tour au sprint, Biniam Girmay a écrit l'histoire du continent africain. Un réservoir de talent qui peine à changer de braquet pour se faire une place dans les premières positions.

Sur les hauteurs du plateau de Hamasen, de nombreux cyclistes passent à Asmara. À 2 325 m d'altitude, la capitale de l’Érythrée a été le terrain d’entraînement de Biniam Girmay. Avant de rejoindre l’Europe, le sprinteur d’Intermarché Wanty Gobert a découvert le vélo dans son pays qui est l’un des viviers les plus talentueux du continent.

Vainqueur de le 3e étape du Tour de France dans les rues de Turin puis de la 8e à Colombey-les-deux-Eglises, l’Érythréen est devenu le premier noir africain à lever les bras sur la plus belle course du monde. Un bouquet pour l’histoire qui rappelle l’exploit de son compatriote Daniel Teklehaimanot. L’ancien coureur de Cofidis est devenu le premier coureur africain à porter un maillot distinctif en arborant le maillot à pois en 2015. Des records symboliques qui mettent en lumière l’Érythrée et le cyclisme africain.

Locomotive de la petite reine africaine, l’Erythrée, par l’intermédiaire de son gouvernement, a fait de ce sport un véritable outil de soft power. Mais le développement du cyclisme se heurte aux restrictions du régime autoritaire, qui garde le contrôle sur l’organisation des courses et la délivrance des passeports. Un précieux sésame pour les Érythréens qui rêvent de faire carrière en Europe.

Mais les places sont chères et l’absence d’équipe africaine professionnelle limite les opportunités. Comme Girmay, nombreux se sont tournés vers l’UCI et l’équipe de développement du Centre mondial du cyclisme (CMC) qui forme des jeunes coureurs de pays en développement. Une passerelle qui a permis au natif d’Asmara d’éclore avant de faire un passage en France à Nikko-Delko-One Provence en 2020.

Girmay, l’arbre qui cache la forêt ?

Très à l’aise sur les courses d’un jour, le sprinteur n’a pas tardé à confirmer à Intermarché en terminant deuxième des championnats du monde espoirs en 2021 comme le Sud-Africain Louis Meintjes avant lui (2013). Puis, il inscrit son nom au palmarès de Gand Wevelgem en 2022, quelques semaines avant de remporter une étape sur le Tour d’Italie.

Un talent générationnel comme l’Afrique n’en avait pas connu jusqu’à présent. Pourtant, le continent africain peine encore à se faire une place dans le peloton. Depuis la disparition de la formation sud-africaine MTN Qhubeka du World Tour, qui était devenue la première à représenter le continent en 2015, l’Afrique n’a plus aucune équipe en première et deuxième divisions.

Un manque de structure qui pèse sur les effectifs au Tour de France puisque seuls Louis Meintjes, Ryan Gibbons et Girmay viennent du continent africain en 2024, contre six coureurs en 2015. Un développement entraperçu au début des années 2010 qui marque le pas avec la disparition des courses professionnelles à l’image de la Tropicale Amissa Bongo.

La course à étape gabonaise avait gagné une réputation dans le calendrier international pour préparer le début de saison tandis que les coureurs africains y avaient l’occasion de se montrer, comme ce fut le cas pour l’Ethiopien Natnael Berhane en 2014 (1er) et l’Érythréen Natnael Tesfatsion en 2020 (3e). Mais la crise politique et le coup d'État d’août 2023 au Gabon ont forcé les organisateurs à annuler la course. Pourtant, l’espoir reste de mise sur le continent avec plusieurs initiatives pour promouvoir le développement de la petite reine.

Rendez-vous planétaire en 2025

En Afrique du Sud, l’ancien cycliste Jean-Pierre Van Zyl est le directeur de l’antenne locale du CMC au sein duquel il doit repérer les meilleurs coureurs U23 aux quatre coins de l’Afrique. «Notre équipe assiste aux championnats continentaux africains afin d'identifier les coureurs que nous estimons talentueux, détaille l’ancien pistard sur le blog de Team Africa Rising. Nous en discutons ensuite avec leurs fédérations nationales et nous créons l'opportunité pour les coureurs de venir dans les camps d'entraînement à Paarl [Afrique du Sud, ndlr] (...). Nous les envoyons ensuite en Suisse, où ils participent aux courses internationales.»

Une poignée de coureurs qui peuvent espérer participer au Tour de l’Avenir. La course à étapes la plus réputée du calendrier espoirs par laquelle sont passés plusieurs futurs grands (Tadej Pogacar, Jonas Vingegaard ou Egan Bernal). Absentes des équipes participantes, les nations africaines doivent s’en remettre au centre de formation de l’UCI pour voir briller leur meilleur talent. C’est l'opportunité qu’a pu saisir l’Éthiopien Welay Berhe en 2022 en montrant ses qualités de grimpeur pour attirer l'œil de Jayco-AlUla.

Pourtant, le plafond de verre reste encore de taille pour les cyclistes africains, qui n’ont jamais réussi à peser sur les courses à étapes. Personne n’a fait mieux que la septième place au général de la Grande Boucle de Louis Meintjes en 2022. Un résultat encourageant, mais bien loin de la prédiction un peu optimiste de Jean-Pierre Van Zyl qui avait déclaré au Monde en 2017 : «D’ici cinq ans, il y aura un coureur noir africain sur le podium d’un grand tour.» C’est raté.

Les étapes sont encore nombreuses et le continent pourra déjà profiter du championnat du monde sur route en 2025 qui aura lieu à Kigali (Rwanda), pour poursuivre son essor. Une première pour l’Afrique et le Rwanda, l’un des autres modèles de l’essor du cyclisme continental avec la course la plus dure de l’histoire (5 803 m de dénivelé). Un parcours très exigeant qui ne devrait pas convenir aux jambes de Girmay, qui pourrait toutefois s’y présenter pour représenter l’Érythrée et tout un continent.

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12 commentaires
  • gerydesprez

    le

    Bizarrement je le soupçonne moins d’être doppé

  • Albert Ferrier

    le

    vive l’algérie

  • darius2018

    le

    De Gaule doit se retourner dans tombe

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