L’allié du pape donne son avis

À la deuxième journée du sommet sur la protection des mineurs, vendredi au Vatican, le cardinal Blase Cupich a expliqué qu’il souhaitait mettre un terme à la crise actuelle avec de nouvelles procédures «à la fois enracinées dans les traditions et les structures de l’Église».
Photo: Gregorio Borgia Associated Press À la deuxième journée du sommet sur la protection des mineurs, vendredi au Vatican, le cardinal Blase Cupich a expliqué qu’il souhaitait mettre un terme à la crise actuelle avec de nouvelles procédures «à la fois enracinées dans les traditions et les structures de l’Église».

À la deuxième journée du sommet sur la protection des mineurs, tenu jusqu’à dimanche au Vatican, le cardinal américain Blase Cupich a dévoilé une liste en douze points encadrant de manière détaillée comment devraient être traités, selon lui, les dossiers d’évêques ayant commis ou dissimulé des abus sexuels sur des enfants ou des adolescents. Sa proposition, faisant la part belle à la décentralisation du pouvoir et à l’inclusion des laïcs, pourrait inspirer le pape à l’issue de la réunion.

Dans une allocution d’une trentaine de minutes, le cardinal Cupich a expliqué qu’il souhaitait mettre un terme à la crise actuelle avec de nouvelles procédures « à la fois enracinées dans les traditions et les structures de l’Église », mais répondant aussi aux « besoins modernes ». François est resté assis à ses côtés tout au long de son discours, en apparente approbation.

Au coeur des suggestions de Blase Cupich : plutôt que de renvoyer à Rome tous les dossiers d’évêques impliqués dans des cas d’abus sexuel — comme agresseur ou bien complice —, ils devraient être examinés au sein de la province ecclésiastique concernée. (On compte par exemple six provinces de ce type au Québec.) Pour les victimes, l’accès à la justice serait ainsi facilité.

Actuellement, les dossiers des prêtres et des autres clercs d’ordre inférieur relèvent des autorités ecclésiastiques locales.

Cependant, selon le droit canon, seul le pape peut exercer un jugement concernant les évêques. Avec des milliers d’évêques dans le monde, le Saint-Siège peine à faire régner la justice.

Parmi les autres points proposés par le cardinal américain, il est notamment question que les victimes et leur famille aient accès à du soutien psychologique financé par le diocèse de l’évêque accusé ; que des mécanismes protègent les délateurs ; que l’évêque soit retiré temporairement et publiquement de sa fonction si l’allégation a l’apparence de vérité ; et que les signalements ne soient pas entravés au sein de l’appareil catholique par le secret officiel.

Ce cadre constituera-t-il les « mesures concrètes et efficaces » que le pape a promises jeudi ? Possible, car le cardinal Cupich est un proche allié du pape. François l’a choisi personnellement pour organiser le sommet en cours. C’est aussi lui qui l’avait nommé archevêque de Chicago en 2014, puis qui l’avait fait cardinal en 2016.

Inclure les laïcs

Le cardinal Cupich inclut parmi les principes guidant sa proposition l’écoutedes laïcs. Ce sont eux, souligne-t-il, qui ont mis au jour « la réalité horrible de l’abus du clergé ». Les pères et les mères des enfants agressés sexuellement y sont pour beaucoup.

« Ce témoignage de foi et de justice par les laïcs ne représente pas un défi conflictuel pour l’Église », mais plutôt une occasion à saisir. L’homme à la tête du troisième plus grand diocèse du monde propose donc d’inclure des femmes et des hommes laïcs « compétents » tout au long des enquêtes sur les affaires de nature sexuelle.

Le cardinal n’est toutefois pas allé aussi loin dans sa position qu’en octobre dernier. À la presse, il avait alors suggéré que les évêques cèdent carrément leur pouvoir à des enquêteurs laïques dans les dossiers d’abus sexuels. « Dans ce domaine, leur expertise et leur savoir dépassent de loin ceux des clercs ordonnés », disait-il.

Pour Solange Lefebvre, professeure à l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal, les idées du cardinal Cupich sont intéressantes, mais ne représentent pas non plus une solution miracle. Les intervenants laïques impliqués dans les enquêtes seraient choisis par les évêques eux-mêmes, après tout. « Il faudrait qu’ils donnent la place à des experts réellement indépendants », pense-t-elle.

Il n’est pas prévu que le sommet, qui sera couronné par un discours du pape dimanche, débouche sur un texte officiel dans l’immédiat. Il était néanmoins essentiel de tenir cette réunion au plus tôt, croit Mme Lefebvre, car malgré les politiques adoptées lors des deux dernières décennies dans le monde catholique, des cas d’abus sexuels sur des mineurs continuent de passer sous le tapis. Le Vatican semble finalement en avoir pris acte.

« La convocation du sommet, à la base, était un aveu d’échec », estime même la théologienne.

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