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Soutenir les jeunes enseignants

Isabelle Vivegnis s’intéresse aux facteurs de réussite du mentorat.

Série

Doc en poche

Par Pierre-Etienne Caza

11 janvier 2018 à 9 h 01

Mis à jour le 9 septembre 2020 à 9 h 09

Série Doc en poche
Armés de leur doctorat, les diplômés de l’UQAM sont des vecteurs de changement dans leur domaine respectif.

Photo: Maxime B. Huneault

Isabelle Vivegnis (Ph.D. éducation, 2017)

Titre de sa thèse: «Les compétences et les postures d’accompagnateurs au regard du développement de l’autonomie et de l’émancipation professionnelles d’enseignants débutants: étude multicas»

Directrice: Liliane Portelance, professeure à l’UQTR

Codirectrice: Catherine Van Nieuwenhoven, professeure à l’Université catholique de Louvain

Enjeu social: le décrochage des enseignants

Le phénomène de décrochage au sein de la profession enseignante est préoccupant. «Plusieurs commissions scolaires et directions d’école se sont dotées de programmes visant à soutenir l’insertion professionnelle des enseignants et leur persévérance dans le métier», affirme Isabelle Vivegnis, professeure en formation pratique à l’Université du Québec en Outaouais. La chercheuse est diplômée du doctorat réseau en éducation, qui célèbre cette année son 30e anniversaire.

Dans le cadre de sa thèse, Isabelle Vivegnis s’est intéressée au mentorat sous forme d’accompagnement dyadique, et plus spécifiquement aux accompagnateurs, souvent des enseignants plus âgés et expérimentés. «L’objectif est que l’enseignant débutant développe son autonomie et son émancipation professionnelles pour être en mesure de prendre des décisions, d’orienter ses interventions pédagogiques le plus adéquatement possible et d’innover sur le plan pédagogique, explique-t-elle. Pour que l’accompagnateur puisse offrir un accompagnement allant dans ce sens, il a besoin de plusieurs compétences.»

Son étude qualitative auprès de quatre dyades lui a permis de mesurer l’importance de la compétence relationnelle chez l’accompagnateur. «Les capacités d’échange, d’expression, de dialogue, de soutien, d’accueil et d’encouragement sont primordiales, car elles viennent renforcer la confiance en soi de l’enseignant débutant, remarque-t-elle. C’est à partir de cette confiance que les nouveaux enseignants bâtissent leur autonomie professionnelle.» La chercheuse a également noté l’importance de l’ouverture chez l’accompagnateur et de la compréhension dont il doit faire preuve envers son ou sa jeune collègue.

Ce qu’il faut changer

Pour aider les enseignants débutants, il faut leur permettre de bénéficier d’un accompagnement dès qu’ils en font la demande. Or, dans plusieurs commissions scolaires, les enseignants débutants n’ont accès à un programme de mentorat qu’après deux années de travail, révèle Isabelle Vivegnis. «C’est aberrant! Ils ont besoin d’un accompagnement dès le départ», affirme-t-elle.

Malgré la bonne volonté des commissions scolaires et des directions d’établissement, un piège guette les accompagnateurs soucieux de venir en aide aux enseignants débutants. «Accompagner un nouveau collègue n’a rien à voir avec l’accompagnement d’un stagiaire, prévient la chercheuse. Les enjeux ne sont pas les mêmes – il faut être davantage en mode écoute et soutien qu’en mode conseil. Il faut donc s’assurer que les accompagnateurs en prennent conscience et soient formés adéquatement.»

Le mentorat est utile, note la diplômée, mais ce n’est pas une panacée. «Un enseignant débutant a parfois besoin d’autres formes de soutien. Il faut que les directions soient prêtes à mettre en place une diversité de mesures: des groupes de discussion, par exemple, pour permettre aux nouveaux enseignants de partager leur expérience avec leurs collègues également à la recherche de soutien.»

Isabelle Vivegnis estime  que la réflexion entourant l’accompagnement des nouveaux enseignants doit débuter dès la formation initiale et s’inscrire dans une perspective plus large que celle qui prédomine actuellement. «Il faut que le futur enseignant soit dans un état de bien-être pour pouvoir se développer, précise-t-elle. Tout au long de son parcours, plusieurs acteurs doivent arrimer leurs actions pour que l’accompagnement soit vu comme un continuum.»

Si l’on y parvient, poursuit-elle, ces futurs enseignants seront plus autonomes, créatifs, résilients et innovateurs. «Ils ne seront pas simplement des techniciens de l’enseignement, mais de véritables auteurs de leur parcours professionnel.»