Prédire la consommation problématique de pornographie

La chercheuse précise que l'utilisation problématique de la pornographie ne concerne pas toutes les personnes qui en consomment très fréquemment. La détresse existe lorsqu’il y a une consommation à outrance, mais surtout en présence d’une incapacité à corriger son comportement.

La chercheuse précise que l'utilisation problématique de la pornographie ne concerne pas toutes les personnes qui en consomment très fréquemment. La détresse existe lorsqu’il y a une consommation à outrance, mais surtout en présence d’une incapacité à corriger son comportement.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Une nouvelle étude basée sur l’intelligence artificielle a permis de désigner les facteurs qui peuvent le mieux laisser présager un usage conflictuel de la pornographie.

Consommer de la pornographie frénétiquement. Le faire pour amoindrir des émotions négatives. Se sentir embarrassé par ses propres choix de contenus pornographiques. Avoir honte de sa consommation de pornographie.

Voilà autant de caractéristiques qui semblent prédire un usage problématique de la pornographie, selon une nouvelle étude internationale menée par Beáta Bőthe, professeure au Département de psychologie de l’Université de Montréal.

L’IA au service de la santé sexuelle

Beata Bothe

Beáta Bőthe

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

La consommation problématique de pornographie est la manifestation la plus courante du trouble du comportement sexuel compulsif, qui se caractérise par des pulsions et des comportements sexuels incontrôlables ainsi qu’une détresse cliniquement significative.

L’usage de la pornographie devient un problème dans la mesure où l’individu ne peut s’empêcher d’y avoir recours malgré des états émotionnels difficiles et des entraves considérables dans l’accomplissement de ses activités quotidiennes.

C’est avec la volonté de trouver des stratégies pour prévenir les conséquences néfastes de ce trouble – une détresse, mais aussi des enjeux relationnels et financiers, voire juridiques – que l’équipe de recherche dirigée par Beáta Bőthe s’est intéressée aux variables qui pourraient prédire une consommation problématique de pornographie.

Plus de 70 scientifiques à travers le monde ont ainsi regroupé leurs données de recherche pour recenser au-delà de 700 prédicteurs potentiels grâce à une méthode d’apprentissage automatique.

Les intentions sous la loupe

Parmi les caractéristiques les plus distinctives, cinq semblent revenir souvent et être importantes: la fréquence de la consommation, l’évitement émotionnel ainsi que la réduction du stress comme motivations à consommer, la contradiction morale à l’égard de la consommation et la honte sexuelle.

«Certaines personnes consomment de la pornographie pour apaiser des émotions négatives comme le stress ou la tristesse. Mais il s’agit là d’un mécanisme d’adaptation [coping mecanism], l’enjeu initial n’est pas résolu, même que l’utilisation peut accroître la négativité. Ces gens pourraient être alors dans un cercle vicieux où leur consommation semble devenir la source de leur mal-être», explique Beáta Bőthe.

La chercheuse tient aussi à préciser que l'utilisation problématique de la pornographie ne concerne pas toutes les personnes qui en consomment très fréquemment. La détresse existe lorsqu’il y a une consommation à outrance, mais surtout en présence d’une incapacité à corriger son comportement.

Raffiner un champ d’études encore émergent

Selon Beáta Bőthe, les résultats de cette étude apportent des connaissances supplémentaires sur la consommation de pornographie en général et en particulier les facteurs de risque d’un usage qui pose problème. Comme les études à ce sujet sont encore relativement récentes, ces nouvelles données permettront de baliser plus précisément les futures recherches.

«Par exemple, avec cette étude, j’ai été surprise de constater que le genre n’était pas une variable forte dans la consommation problématique de pornographie, alors qu’on croit généralement qu’il y a une grande différence entre les hommes et les femmes. C’est la preuve qu’il faut continuer à intégrer tous les genres dans les études sur la pornographie et pas seulement présumer qu’il s’agit d’une réalité masculine», note la chercheuse.

Et ultimement, ajoute-t-elle, ces nouveaux savoirs empiriques contribueront à l’élaboration de programmes de prévention et d’intervention plus ciblés, pertinents et efficaces.