La rumeur d’un bonus écologique réservé aux véhicules électriques européens se fait de plus en plus persistante. La filière automobile française (PFA) pousse le gouvernement à trancher pour plus de protectionnisme. À l’image de l’Inflation Reduction Act (IRA) américain, le bonus devrait favoriser uniquement la production européenne de voitures électriques. Les industriels concernés sont certainement pour, mais s’est-on inquiété de l’impact pour les acquéreurs ? Ces nouvelles règles de bonus seraient une nouvelle fois profondément injustes.
En marge du Mondial de Paris, en octobre 2022, Bruno Le Maire s'était exprimé en faveur de ce projet. Il considère que la France doit « réserver son bonus à des véhicules produits sur le sol européen » pour « résister à la concurrence » (chinoise, vous l’aurez compris). Il avait également précisé que « tous les efforts de la France seront vains, si l’Europe ne défend pas ses intérêts économiques ». L’Europe est le dernier frein à l'application de ce nouveau bonus.
Il est difficile de reprocher aux politiques de vouloir donner un coup de pouce aux constructeurs européens, afin de conserver les emplois. On les blâmera, par contre, de vouloir forcer la main pour nous faire acheter européen, alors que la démarche se fait assez naturellement. Les chiffres des immatriculations françaises en témoignent déjà.
À prestations et prix équivalents, les acheteurs ne se précipitent pas spontanément vers les marques chinoises ou étrangères. Le nœud du problème repose sur le fait que nos marques ne sont globalement pas (encore) compétitives. Rares sont les modèles européens à pouvoir rivaliser à armes égales avec une Dacia Spring, une MG4 ou Tesla Model 3, bientôt privées d’aides à l’achat. Les groupes historiques se sont fourvoyés en se reposant sur leurs lauriers, ce n'est pas encore une fois au client final de payer les pots cassés. Est-il juste de limiter le bonus écologique à une vingtaine de modèles essentiellement issus de 3 groupes industriels : Stellantis, Renault et Volkswagen ?
Ce bonus servirait donc à punir les constructeurs étrangers qui œuvrent à rendre la voiture électrique plus abordable grâce aux volumes, et à subventionner les marques européennes dans leur stratégie de « montée en gamme ». On marche un peu sur la tête.
L’ironie de l’histoire, c’est que les (méchants) constructeurs chinois arrivent sur le marché européen, non pas en cassant les prix, mais en innovant. La citadine Leapmotor T03 en est un bon exemple : vendue à partir de 8 000 € en Chine, son tarif français est de 25 990 € avant bonus. On est loin d’une concurrence déloyale par le prix. Seuls Tesla et MG jouent le rôle de perturbateurs de l’ordre établi.
Au final, ceux qui y perdront le plus, ce sont tous les clients qui souhaitaient se diriger vers une Dacia, Kia, Hyundai, MG, Tesla, Smart ou l’une des nouvelles marques chinoises. Ces clients à qui on va directement reprocher de ne pas soutenir l’économie locale, en tapant au portefeuille. Pendant ce temps, les constructeurs européens n’auront pas besoin de revoir leurs prix à la baisse. Est-ce ça qu'on appelle une saine concurrence ?